Un article éparpillé pour la Semaine du Shôjo

Comme chaque année, voici venu le temps de la Semaine du Shôjo organisée par Club-Shôjo. Le thème de l’événement interblog cette année : « Quel shôjo (yaoi ou josei) t’a le plus ému(e) ? »

Une des particularités des shôjo – et par extension des josei – tient dans l’importance apportée aux sentiments des personnages. Dès lors, nous pouvons nous attendre à ce que certains titres nous émeuvent, grâce à leurs personnages et aux sentiments qu’ils expriment.
Ceci étant, j’avoue que le thème de cette année m’a plongé dans la perplexité. Car aucun titre ne m’est venu spontanément à l’esprit. Aucun dont je me souviendrais car il m’a profondément ému. Je sais que je n’ai pas d’âme, mais quand même !
C’est ainsi, à partir d’une simple question, que je me suis retrouvé en pleine introspection.

Cela pourra paraitre absurde, mais m’a première réaction fût de vérifier la définition d’émouvoir dans le dictionnaire. Le Larousse nous indique qu’émouvoir signifie « Produire une forte impression sur la sensibilité, faire naître chez quelqu’un de l’émotion, du trouble ».
Bon.
Je ne suis pas tellement plus avancé.
De vous à moi, j’espérais – sans trop d’espoir – que la définition me permettrait d’inclure des titres qui ont provoqué chez moi de la joie et du rire, ce qui aurait rendu la tâche plus aisée. D’autant que cela m’aurait permis de m’étendre longuement sur celui que je suis justement en train de lire, et qui me fait hurler de rire comme rarement. Tant pis, ce sera pour une prochaine fois.

Deuxième étape : jeter un œil à ma collection, et en extraire les titres que je considère comme répondant à cette définition. J’aurais sans doute dû commencer par cela, car en y réfléchissant bien, je retire de l’exercice une douzaine de séries. Ce qui en fait une onzaine (ce mot n’existe pas) de trop, puisque pour cette édition de la Semaine du Shôjo, j’avais décidé de traiter le sujet de la manière la plus scrupuleuse possible, sans chercher à mentionner absolument tous les titres qui m’ont effectivement ému en utilisant divers artifices.
Un seul shôjo. Ou un seul josei. Point.
Et là encore, je me suis retrouvé dans l’embarras.

Chaque lecteur possède des critères et un ressenti qui lui sont propres, et qui feront qu’il appréciera ou non une œuvre. J’ai beau lire des manga depuis des années, et écrire à leur propos depuis presque aussi longtemps (cela fera bientôt 15 ans que j’ai pondu mon premier texte sur le sujet), il m’arrive de ne pas chercher à intellectualiser un titre, ou de ressortir d’une lecture avec une impression – plus ou moins positive – sur laquelle je vais ensuite chercher à raisonner pour comprendre par quel processus j’en suis arrivé là. Le fait qu’une histoire me touche particulièrement, en raison de mon vécu et/ou du talent de l’auteur pour retranscrire les émotions de ses personnages, participe à ce processus.
Certains manga m’ont fait pleurer – ce qui tend à prouver que je possède bel et bien une âme – mais je ne saurais dire si je les ai aimés parce qu’ils m’ont fait pleurer, ou si le fait qu’ils m’aient fait pleurer témoigne de leur qualité globale.

Bon. Je suis le premier à admettre que toute cette réflexion est vraiment confuse. Même pour moi. Tout cela pour dire que cette question m’a poussé à m’interroger sur mon rapport aux manga et l’appréciation que je peux en avoir.
Conclusion : je serais bien incapable de trouver, parmi tous ceux que j’ai lu, celui qui m’a le plus ému, élément subjectif s’il en est.
Par contre, je sais lequel m’a fait le plus pleurer.
Sauf que ce n’est pas un shôjo. Ni un josei.
Donc que faire ? Entre mes blogs, les réseaux sociaux, les forums, je parle beaucoup de mes lectures. Pour éviter de répéter ce que j’ai déjà pu raconter ici ou ailleurs, j’ai décidé de parler d’un titre que je n’avais jamais évoqué auparavant, parmi tous ceux que j’ai identifiés comme m’ayant particulièrement ému.
Aujourd’hui, nous allons parler de Puzzle de Ryo Ikuemi.

Puzzle étant en arrêt de commercialisation chez Delcourt, j’ai tout-de-même hésité à écrire à son sujet. Néanmoins, rien n’empêche d’acheter la série d’occasion, et puis cela me fournit l’opportunité de parler de Ryo Ikuemi. Outre Puzzle, ses manga Honey Bunny et Dites-moi que j’existe ont été publiés chez Panini Comics, et se trouvent eux-aussi en arrêt de commercialisation.
Bruno Pham, qui avait proposé Puzzle à Delcourt, déplore régulièrement le manque de popularité de cette mangaka – je cite – « absolument incontournable » en France, d’autant plus que cette série en particulier devait ouvrir la voie à d’autres titres dans la même veine, comme Stay de Keiko Nishi.
C’est d’autant plus vexant que ce manga a connu un véritable succès au Japon, rapportant à son auteur le prix Kodansha du Meilleur Shôjo en 2009 (alors qu’il ne s’agit pas d’un titre Kodansha), et bénéficiant d’une adaptation sur grand écran en 2013.

Publié de 2004 à 2010 au sein du magazine Cookie de la Shueisha (Nana, Six Half), sous le titre Kiyoku Yawaku, Puzzle porte bien son titre français. Ce qui explique sans doute qu’il soit difficile à décrire.
La série se divise en actes réunis en 13 volumes. Chaque acte nous invite à suivre le quotidien d’un groupe de personnages à un moment de leur vie. Si ils paraissent dans un premier temps indépendants, donnant l’impression d’une collection d’instants de vie ou d’une compilation d’histoires courtes, le lecteur se rend rapidement compte que les événements sont liés les uns aux autres, que certains protagonistes feront le lien entre les différents actes, et qu’il s’agit bien de destins croisés que l’auteur nous propose de découvrir. Le tout pour bâtir une histoire globale devant mener vers une apothéose dans le dernier acte, comme une conclusion logique de tous les moments décrits jusque-là.

L’exercice est complexe à plus d’un titre. Il demande à la fois à l’auteur une maitrise parfaite de sa narration et de son scénario, de toujours se remémorer avec exactitude les événements passés ou à venir pour éviter toute incohérence. Elle s’en sort à merveille, aboutissant à une histoire d’une justesse jamais remise en cause. De l’autre côté, le lecteur sera plus mis à contribution que pour la majorité des séries, puisqu’il lui faudra se remémorer les tenants et aboutissants de chaque protagoniste, identifier dans chaque acte quels sont ceux qu’il connait déjà et dans quelles circonstances il les a rencontrés, sans pour autant connaitre la finalité de l’exercice. La série mérite pourtant bien un petit effort, et l’implication rend l’expérience de lecture d’autant plus passionnante et – arrivé à la fin – gratifiante.

Je vous ai exposé le fonctionnement de ce manga, nécessaire dans la mesure où celui-ci sort des sentiers battus, mais tout cela nous indique finalement peu de quoi il parle. Pourtant, il n’y a pas grand chose à ajouter à ce que j’ai déjà raconté à ce sujet : Puzzle est une succession d’instants de vie, avec tout ce que cela peut suggérer. Les personnages tomberont amoureux, parfois sans espoir d’être aimé en retour. Ils vont grandir, se rencontrer, se séparer, s’aimer, se détester, sans jamais oublier leurs joies et leurs peines, les moments de doute, de douleur, ou de bonheur.
Et comme la série se déroule sur plusieurs époques, nous aurons le temps de voir certains protagonistes évoluer.

Outre son format particulier, ce qui différencie Puzzle, c’est la maturité de ses personnages, et pour certains leur côté sombre et leur jardin secret. La plupart n’ont rien d’unidimensionnel, et s’ils peuvent paraitre superficiels, nous comprenons vite que la réalité est beaucoup plus complexe et subtile.
Là encore, cette maturité constitue peut-être un frein au succès du titre en France. Contrairement à l’image que nombre de lecteurs peuvent se faire des shôjo, celui-ci n’est ni mignon ni léger, les actes ne restent pas sans conséquence, et tout ne va pas nécessairement pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Pour autant, impossible de le qualifier de drame humain, car l’espoir et les petits bonheurs du quotidien ne pourront jamais disparaitre.

Ryo Ikuemi traite les sentiments de ses héros et de ses héroïnes avec une infinie tendresse et une grande subtilité. A l’image de son dessin, dont les couvertures présentées dans ce billet donnent un bon aperçu. Elle arrive ainsi à proposer une œuvre extrêmement touchante, qui m’a ému aux larmes, de tristesse mais aussi de bonheur.
A un moment, j’ai été obligé d’interrompre ma lecture, car un acte en particulier se dirigeait inexorablement vers une conclusion que, à l’époque, je ne me sentais pas prêt à affronter. M’y replonger n’a pas été aisé, mais je n’ai pas regretté le chemin parcouru pour arriver jusqu’à la fin.
Si vous avez l’occasion de découvrir Puzzle, je vous encourage chaudement à lui donner sa chance, sans vous arrêter à un format qui pourra rebuter certains lecteurs. Vous ne serez pas déçu du voyage.

Les participants à la Semaine du Shôjo :

AfterMangaverse
Husk of Yaoï
L’Antre de la Louve
L’Antre du Boiteux
Les chroniques d’un ange
Manga Suki
Ma petite médiathèque
Mirrors
Miyuneko no Yume
Parole de Libraire !
Seventh
Vagues Souvenirs

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6 commentaires pour Un article éparpillé pour la Semaine du Shôjo

  1. a-yin dit :

    Je cherchais un endroit où tu parles de Ikuemi et je ne trouvais pas… en fait tu n’avais juste rien écrit sur elle 😀 !!! Je ne savais pas que Puzzle t’a ému à ce point-là. Je suis contente que tu mettes ce titre bien en avant. Il y a une qualité d’écriture, des situations de la vie de chacun, mais aussi un scénario plutôt riche et des dessins vraiment très beaux. A l’époque, à sa sortie, je ne pensais pas du tout que ce titre ne vendait pas fort! J’ai toujours eu du mal à parler de Puzzle. En tout cas, je suis bien d’accord, c’est vraiment un titre à découvrir. Sur le créneau romance dans un univers réaliste, c’est vraiment un des meilleurs titres sortis en France. Je pensais vraiment que les fans de Nana se rueraient dessus avec le côté jeune adulte du titre (beaucoup de moments à l’université et au début de la vie active d’ailleurs). Je n’aime juste pas bcp le couple final pour ma part, ni le détour avec le personnage de Nene 😮 .

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  3. Luthien dit :

    Merci d’avoir participé à cette édition. 🙂 C’est une question très personnelle et en effet, une personne peut être émue par un titre alors qu’une autre non. Et est-ce que c’est par rapport à notre vécu ou par ce que est raconté ?
    Je n’ai jamais lu la série dont tu parles mais c’est un titre qui m’intrigue. Plus qu’à la trouver d’occasion maintenant alors !

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  4. Ping : La Semaine du shôjo : Quel shôjo m’a le plus émue ? – Miyuneko no Yume

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