L’ambiguïté de genre dans les manga et l’animation japonaise

Je me souviens avoir un jour lu une critique sur la série Martin Matin, évoquant la transformation du héros en fille lors d’un épisode comme un événement « original ». Pour moi, déjà lecteur de manga de longue date, cela me semble pourtant affreusement banal. Il faut dire que, lorsque nous y regardons de plus près, l’ambiguïté sexuelle est omniprésente au Pays du Soleil Levant.

Pour expliquer cette ambiguïté, j’estime qu’il faut commencer par se tourner vers le théâtre traditionnel japonais. Comme il était interdit aux femmes de monter sur scène pour les représentations de danse ou de Kabuki, des hommes devaient interpréter les rôles féminins : les Oyama, ou Onnagata. Il existe même au Japon de véritables lignées d’Oyama, dont la charge se perpétue de génération en génération ; nous en trouvons quelques exemples dans l’animation et les manga, avec notamment Nadeshiko Fujisaki de Shugo Chara, poussé par ses parents à incarner une fille au quotidien pour parfaire son personnage, ou encore Alto Saotome de Macross Frontier, rejeté par son père justement car il a refusé la tradition familiale.

C’est en 1913 qu’apparait le Takarazuka, une forme théâtrale influencée par les comédies musicales américaines, où tous les rôles sont assumés par des femmes – justement par opposition au Kabuki. Pour l’industriel Ichizo Kobayashi, l’idée était avant tout de créer une attraction pour attirer les touristes dans la ville de Takarazuka ; touristes qui, pour s’y rendre, devaient utiliser la ligne de chemin de fer dont il était propriétaire. Aujourd’hui encore, les actrices des différentes troupes de Tarakazuka sont officiellement des employées de Hankyu Railway, la société fondée par Kobayashi.
Pour intégrer une de ces troupes, il faut passer par la Takarazuka Music School, où les aspirantes s’entrainent pour un des deux rôles de base de la revue : Otokoyaku (masculin) et Musumeyaku (féminin). Nous pouvons en voir notamment dans Mawaru Penguindrum.

Au Japon, il existe une attirance très forte pour les Oyama et les Otokoyaku, sans doute en raison de l’ambiguïté qu’ils représentent. Nous parlons d’hommes déguisés en femmes et de femmes déguisées en homme.
Concernant le Takarazuka, la majorité du public est composé de femmes. Les raisons de cette attirance font débat, certains évoquant des tendances lesbiennes chez ce public, d’autres mettant en avant le côté érotique et viril des Otokoyaku, comme symboles d’une masculinité parfaite à leurs yeux, voire comme symboles de subversion dans un pays où les rôles dévolus à chaque sexe sont encore très marqués ; les premières actrices à s’être coupés les cheveux pour mieux ressembler aux hommes ont d’ailleurs fait scandale.
C’est sans doute un phénomène similaire qui joue en faveur des Oyama.

Ce n’est pas un hasard si deux des figures fortes du shôjo – et du manga en général – ont tissé des liens très forts avec le Takarazuka.
La première, c’est Osamu Tezuka, qui a vécu plusieurs années dans la ville éponyme ; sa mère l’emmenait régulièrement au spectacle, étant elle-même une grande amatrice de la revue, et connaissant personnellement plusieurs actrices. Lorsque le mangaka transpose les codes du manga moderne au shôjo en 1953 avec Princesse Saphir, c’est tout naturellement qu’il choisit comme personnage principal une Otokoyaku : une princesse qui se fait passer pour un prince (le concept sera plus tard repris dans Utena, la Fillette Révolutionnaire). Le personnage permet à la fois à la lectrice de s’y identifier, et à Tezuka de proposer des scènes d’action.
La seconde, c’est Riyoko Ikeda. L’auteur est une grande admiratrice du Takarazuka, et mettra en scène plusieurs Otokoyaku, comme Oscar dans La Rose de Versailles ou Kaoru et Saint-Just dans Très Cher Frère. Elle a aussi transposé en manga Elisabeth, une des pièces traditionnelles du Takarazuka, et ce n’est pas un hasard si La Rose de Versailles – dont le personnage central est influencé par Le Chevalier d’Eon – reste une des œuvres les plus adaptées par les différentes troupes de la revue.

Compte-tenu de l’influence de ces deux mangaka sur la scène shôjo, il ne faut pas s’étonner si les archétypes qu’ils mirent en place se retrouvent encore aujourd’hui dans de nombreuses séries. De plus, l’attrait des auteurs de shojo des années 70 pour des personnages aux membres fins et élancés, les poussent à dessiner des hommes aux allures androgynes ; ce sera d’autant plus remarquable dans les Shônen Aï, où pour distinguer clairement les rôles dévolus à chacun parmi des protagonistes majoritairement masculins, il devient impératif d’amplifier certains traits féminins. Cette esthétique se retrouvera dans les Boys Love.
Du côté des personnages féminins, ce sont les cheveux courts qui représenteront cette ambiguïté, ou qui en feront des objets de fantasme pour les autres filles, à l’instar de Kaoru dans Très Cher Frère ou, plus récemment, Akira dans Princesse Kaguya et Yasuko dans Fleurs Bleues.

Au-delà de ces exemples issus d’œuvres au dessin stylisé, les personnages travestis sont légion dans l’animation et les manga. C’est valable pour les deux sexes, et aussi bien dans les shônen que les shôjo ; même si, dans les shônen, il s’agira plus volontiers d’un ressort comique, comme dans Ranma 1/2 où il est carrément question de transformation. Nous pourrions citer pêle-mêle Noeru de Mint na Bokura, qui se fait passer pour la jumelle de sa sœur, Mizuki de Parmi Eux, qui se déguise en homme pour intégrer un internat pour garçons, Hikaru de Otogi Zôshi, qui doit accomplir une mission à la place de son frère, Makoto de W Juliette, qui veut prouver à son père son talent d’acteur en se faisant passer pour une femme (ce alors que son amie Ito est cantonnée à des rôles masculins), ou encore Papillon de Nuit de Basara, qui cherche à masquer sa véritable identité. La liste est (très) longue.

Il est intéressant de noter que les rôles de Yamato Nadeshiko sont souvent incarnés par des hommes, ce qui constitue à la fois un paradoxe et le pinacle de cette ambiguïté.
La Yamato Nadeshiko représente la femme idéale, voire une incarnation de la perfection japonaise. Elle est souvent décrite comme une épouse fidèle et dévouée, traditionaliste, à la fois humble et d’une grande noblesse. Si cette image nous parait arriérée, ce sont donc souvent des hommes qui vont la revêtir, dans une tentative d’incarner la femme parfaite telle qu’eux-mêmes peuvent l’imaginer. Ainsi, quand un personnage de manga ou d’anime peut être considéré comme « trop féminin », même par rapport aux standards nippons, c’est bien souvent qu’il y a une couille dans le potage.
Si les protagonistes les plus féminins de You’re Under Arrest et Family Compo sont clairement Aoi et Yukari, vous pouvez être sûrs qu’il y a un problème quelque part. Ne parlons pas de Nadeshiko de Shugo Chara, déjà évoqué précédemment, dont le nom seul doit déjà nous mettre la puce à l’oreille.

Après tout ça, il ne faut pas s’étonner si les chanteurs de Visual Rock se griment en femmes et en font un atout charme. C’est même étonnant de la part d’un pays comme le Japon, souvent présenté comme traditionaliste, voire très prude quand il est question de sexualité et d’identité sexuelle. Mais justement, peut-être faut-il voir dans cette ambiguïté une fonction cathartique. Vaste débat.

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10 commentaires pour L’ambiguïté de genre dans les manga et l’animation japonaise

  1. Tama dit :

    Pour le Takarazuka, je connais quelqu’un qui adore et essayait autant que possible d’aller voir des pièces. Mais la façon dont elle en parlait laisser penser que, si le nom est connu, c’est réservé à un public d’amateurs/rices éclairé(e)s, fidèles et avec des moyens (apparemment c’est loin d’être donné). D’ailleurs on trouve quelques revues au book off de Paris mais celle sur lesquelles j’étais tombé n’était pas toute récente.
    Sinon quelque chose m’a marqué sur cette thématique d’ambiguïté sexuelle (après je me plante sans doute), c’est qu’un homme déguisé en femme, sera toujours mieux qu’une femme normale (j’entends une femme qui est une femme de base, biologiquement). Il sera plus beau, élégant, raffiné, saura faire toutes les tâches ménagères et j’en passe… un homme même en femme surpassera toujours une femme, même dans le cliché. Tandis qu’une fille déguisé en garçon, même avec un comportement garçon manqué, sera souvent confronté à des problématiques féminines ou gardera un comportement de « fille ».
    Concernant le visual kei, j’ai toujours entendu différentes versions concernant les origines : kabuki, glam rock et j’en passe, quand les groupes eux même ne citent pas d’autres influences. Ceci dit, la mouvance a bien évolué depuis si on s’amuse à comparer les débuts de X japan avec AnCafe, en passant par Malice Mizer… Tiens d’ailleurs dans le lot il y en a toujours un qui est/était plus féminin que les autres : Mana (Moi dix Mois), Aya (Psycho le Cemu)…. mais il y a tellement de sous-genre, ou de groupes qui se sont servis de ce style comme tremplin pour devenir quelque chose de plus soft par la suite. Mais effectivement, je me suis aussi souvent posé la question concernant ce rapport de genre qui aurait pu (avec nos yeux d’occidentaux) nous paraitre tabou dans cette société japonaise qui parait si rigide.

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  2. Gemini dit :

    Pour l’homme déguisé en femme, je dirai que tu as plusieurs possibilités, selon notamment qu’il s’agisse d’un travestissement voulu ou forcé.
    Le cas des « Yamato Nadeshiko » évoqué dans l’article correspond à des travestissements le plus souvent voulus, par des hommes comme Futaba Aoi qui vont chercher à pousser la perfection féminine beaucoup plus loin qu’une femme réelle ; mine de rien, il peut s’agir d’un ressort comique, justement en raison de l’image que le personnage renvoie aux autres femmes, mais aussi compte-tenu de tous les quiproquos que cela va amener.
    Quand un travestissement sera forcé, le résultat apparaitra soit anormalement réussi – par exemple dans Minami-ke – soit parfaitement ridicule ; tout dépendra de la morphologie du personnage, mais généralement, il s’agit là encore d’un ressort comique. Rien qu’imaginer Ryo Saeba en femme est déjà drôle en soi.
    Après, il existe quelques cas nous rappelant que, dans la réalité, peu de personnes seront réellement crédibles en femme ; et là, cela devient plutôt dramatique. Toujours chez Tsukasa Hôjo, le personnage de Susumu dans Family Compo a beau être passé sur la table d’opération, il ne fait pas illusion une seule seconde…

    Pour ce qui est de la relation inverse – la fille travestie – là encore, cela dépend énormément des cas. Prends Oscar François de Jarjayes, élevée comme un homme, elle n’a pas du tout un comportement de fille ; à tel point qu’elle prendra comme une anomalie de tomber amoureuse d’un homme, et essayera de museler ses propres sentiments. A l’inverse, Bounthavy explique très bien le problème soulevé par Princesse Saphir : dans le Japon des années 50, l’auteur a essayé de justifier le comportement de son héroïne par la présence d’un cœur féminin et d’un cœur masculin ; si cela pouvait paraitre osé pour l’époque, cela semble horriblement sexiste aujourd’hui, puisque seul son côté masculin justifie le courage dont peut elle peut faire preuve…
    Après, si tu veux une héroïne qui n’est crédible que sous un habit masculin, tu as Ito Miura de W Juliette.

    Pour finir, prenons deux situations similaires, mais pour des personnages de sexe opposé : Noeru de Mint na Bokura et Mizuki de Parmi Eux. Dans les deux cas, il s’agit de mentir afin d’intégrer une école. Ces personnages vivent leur travestissement comme une nécessité, mais ne s’y sont jamais préparé ; et même s’ils essayent de faire des efforts, leur comportement n’a pas réellement changé. Aucun n’est crédible, mais leur subterfuge ne tient que pour une seule raison : plus c’est gros, mieux ça passe.

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    • Tama dit :

      Effectivement ce cas de « Yamato Nadeshiko » se retrouve dans plusieurs cas de figures qui sont tous assez similaire Futaba Aoi dans Shugo Chara, Ritsu dans Orange Chocolat, Ranmaru dans Haikara-san ga toru (marc et marie)… des hommes qui sont plus féminins que le féminin car jouant des rôles de femmes au théâtre (souvent héritage familial). Et en face d’eux des héroïnes qui soit ne rentrent pas dans ce canon de féminité, soit qui aimeraient leurs ressembler ou à qui on demande de leur ressembler.
      Le travestissement dans les deux cas (FtoM, MtoF) peut être sujet au comique dans le ridicule visuel ou les situations. Dans la réalité, c’est tout autre. Je dirais que c’est plus difficile pour les hommes qui soit en rajoutent un max niveau artifice, soit se sont les hormones qui les rattrapent et là leur physionomie les trahit (Jin Xing). Mais il y a des exceptions (Andrej Pejic).

      Pour le travestissement de femme, même si certaine n’ont pas le comportement féminin attendu, il y a quand même un rappel sur leur genre et ses problématiques. Dans le manga, il me semble qu’ à la cour les gens sont au courant qu’Oscar est une femme. Quand elle tombe amoureuse, je n’ai pas vraiment vu qu’elle ressentait cela comme une anomalie mais plus une confrontation entre ses sentiments, sa moralité/son devoir, son désir de femme, ce qui l’a pousse à porter une robe pour séduire et être plus conventionnel, aspirer à une vie qui, sans son parcours familial, aurait dû être la sienne. On cherche quand même à lui rappeler qu’elle n’est qu’une femme : on veut lui faire porter des robes, la marier…ça fait très « bon c’était très sympa tout ça mais finis de faire joujou faut rentrer dans le rang maintenant. »mais on peut renvoyer cela à l’époque où l’habit faisait le moine : ce qui porte une robe est féminin, ce qui porte le pantalon est masculin. Point.
      Kaoru dans très cher frère idem, son cancer du sein la renvoie à sa féminité (ainsi qu’à sa mortalité). Natsuru dans family complex avec son aspect androgyne et son comportement de garçon manqué est aussi renvoyé à son statut de femme : impossible de s’intégrer avec un groupe de garçons même si elle partage les mêmes centres d’intérêts parce que c’est une fille, quand son frère ne lui demande pas de se comporter comme une fille aka porter des jupes ou des robes. Même Haruhi dans Ouran host club qui se fiche bien du genre, on essaie à plusieurs reprise de lui rappeler qu’elle n’est qu’une fille.
      Bref, tout ça pour dire qu’il y a un renvoi au statut de femme -cliché- par les hommes, et/ou alors le perso se retrouve confronté à sa féminité et ce qui en découle.
      Pour princesse Saphir, j’avais lu une autre théorie sur le sujet donc j’imagine que l’on peut voir cela sous des angles différents. Ca évoquait plus une forme de transgenre, ce qui était novateur et osé, soit effectivement on peut aussi voir ça comme quelque chose de très sexiste puisque les qualité chevaleresque de l’héroïne serait uniquement dû à sa masculinité, sinon ça serait une autre quiche de demoiselle en détresse.
      Ito Miura se féminise aussi avec le temps mais je me rappel d’un passage cosplay de nekomaid pour une fête d’école où son copain était plus féminin qu’elle pour le coup.

      Pour Noeru de Mint na Bokura et Mizuki de Parmi Eux, je suis d’accord que le travestissement est la pour le scénario et le comique avec les quiproquos. Cependant, ce qui m’avait gêné ce n’est pas le fait de rester soi-même mais d’avoir un comportement de « fille de shojo ». Certes plus c’est gros, plus ça passe mais des fois…moyens.

      Parce qu’au final, c’est quoi un comportement de fille ou de garçon ? c’est quoi être un garçon ou une fille ? être une fille dans un manga c’est porter des robes et aimer faire les tâches ménagères ? êtres un garçon c’est jouer au foot et jouer les chevalier ?

      Mais dans l’ensemble ton article évoque plutôt un « trouble dans le genre » qu’une ambiguïté sexuelle ^^

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  3. Gemini dit :

    Le soucis du travestissement dans le manga, c’est qu’en dehors de la fonction comique, c’est un ressort surtout utilisé par les femmes. Or, les femmes sont parfois plus sexistes que les hommes, il suffit de lire Fruits Basket ou Kaikan Phrase pour s’en persuader…

    Pour Oscar, effectivement, tout le monde est au courant pour son sexe dans la VO, mais cela a été changé en Europe pour justifier que des filles puissent tomber amoureuses d’elle… Néanmoins, elle ne cherche absolument pas à rentrer dans un rôle de femme ; le bal n’est là que pour lui permettre de montrer ses sentiments à Fersen. Il me semble que cela n’est présent que dans l’anime, mais il y a un scène où son père commence à penser qu’elle pourrait causer des problèmes à la cour, et décide de la présenter à des prétendants pour s’en débarrasser (logique compte-tenu de l’époque) ; mais elle ne joue pas du tout le jeu, arrive dans ses vêtements militaires, et cela se solde par un échec.

    Kaoru, le problème avec le personnage, c’est que l’auteur nous montre bien qu’elle était déjà peu féminine avant de « perdre » une partie de sa féminité à cause d’un cancer. Il y a un cas similaire dans Black Jack, qui m’avait pas mal choqué à l’époque : Megumi, la petite amie de Black, est atteinte d’un cancer des ovaires ; il accepte de l’opérer et de lui enlever ses organes reproducteurs, mais lui explique qu’après, elle ne sera plus une femme et ne pourra donc plus vivre comme telle… Et en effet, elle se rebaptise Kei, s’habille en homme, et c’en est évidemment fini de sa relation avec Black Jack.

    Haruhi dans Ouran High School Host Club, je dirai que c’est une nouvelle fois un cas particulier. Elle n’a pas conscience de son genre donc du genre opposé, et cela dérange les petits malins tombés amoureux d’elle et qui voudraient qu’elle remarque et accepte leurs sentiments. Chez Haruhi, il y a quelque chose de presque pathologique.
    Ce que j’aime dans Otomen ou W Juliette, c’est que les héroïnes sont des garçons manqués mais qu’elles n’ont pas besoin de changer pour garder l’amour de leurs petits amis : ils les aiment telles qu’elles sont. Et quand elles s’essayeront de leur faire plaisir avec une attention qui leur semblera « typiquement féminine », cela se termine par un échec… Si Makoto semble plus féminin que Ito, c’est car il l’entretient : il a besoin d’être crédible en fille car il n’en est pas une, tandis que Ito en est une et n’a rien à prouver.

    Pour ce qui est de l’intégration d’une fille à un groupe d’hommes, j’ai vécu ça dans ma famille : aucun problème au primaire, mais à partir du collège, ce sont les autres filles qui ont reproché cette situation à l’intéressée, l’accusant notamment de minauder, de les draguer sans le montrer ouvertement, voire de vouloir leur piquer leurs petits copains. La réalité est malheureusement sexiste, et le sexisme ne vient pas forcément du côté masculin… Il se passe quelque chose de similaire dans Mint na Bokura : Noeru passe du temps avec Sasa, donc dans l’esprit des autres filles, c’est forcément sa petite amie.
    Toujours par rapport à la réalité, il existe des Oyama très crédible, comme celui qui joue dans le Zatoichi de Takeshi Kitano.

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  4. Tama dit :

    Je suis tout à fait d’accord sur le fait que certaines auteures de manga pousse le cliché très loin avec des héroïnes cruches et têtes à claque. En parlant de Fruits basket, je connais pas mal de monde qui a aimé le manga pendant l’adolescence (surtout des filles) et quand on leur en reparle aujourd’hui c’est limite si on évoque pas une erreur de jeunesse. On dirait que certain(e)s s’en veulent d’avoir aimé un truc niais !
    Mais dans le shojo il y a souvent des constantes dans le caractère de l’héroïne qui sont parfois poussées aux extrêmes. Je me demande également si on n’applique pas nos critères d’occidentaux dessus, avec le cas de la femme au foyer qui chez nous à plutôt une image négative et rétrograde car tout passait par le mari, alors que là bas la donne est différente.

    Pour Oscar, le cas du bal est également présente dans le manga pour les mêmes raisons essayer de séduire/montrer ses sentiments à Fersen mais aussi pour y mettre un terme. J’en parlais parce que ça me donnais l’impression que pour séduire Fersen, elle ne peut le faire que sous forme de femme et c’est également symbolique puisqu’elle tait également ses désirs de femme. En gros, elle ne tue pas la femme (elle ne renie pas son genre) mais son désir de femme pour sa fonction de soldat qui ne doit pas faire passer ses sentiments personnel avant tout. Et puis Oscar ne se considère pas du tout comme un homme. On peut la qualifier d’hommasse à la rigueur. Je prends en exemple un passage dans le manga où Oscar reproche à la reine son comportement avec Fersen, cette dernière lui répond qu’avec son rôle elle a dû oublier d’être femme alors qu’elle est comme les autres avec le même désir d’amour. Elle reproche à Oscar de ne pas l’avoir comprise et de ne pas avoir un coeur de femme. Oscar s’en veut par la suite de ne pas avoir su voir alors qu’elle est elle même une femme, son aveuglement est dû à sa fonction : protéger la reine.
    Le passage du mariage c’est avec Girodelle qui en est amoureux. Effectivement elle y réagis en allant draguer tout ce qui est féminin à la cour et provoque un beau bordel. Mais dans le manga le désir de son père est motivé par plusieurs choses : le fait d’avoir une descendance, d’établir sa fille mais aussi de la voir heureuse et de la protéger lorsque la tempête révolutionnaire arrivera(mariée elle sera loin des combats). Oscar y régis très mal parce qu’on décide pour elle et surtout après tout ses sacrifices, cela fait comme si tout n’avait servi à rien.
    Le cas d’Oscar est intéressant car il était en miroir de celui de la reine, deux femmes prisonnière de leur condition. On leur a donner une fonction autre, ce qui a changer ce qui aurait dû être. Chez Oscar il y a plusieurs étapes : elle fait d’abord ce pour quoi on l’a élevé puis se pose des questions sur son statut qu’elle n’a pas choisi. Au final elle fait le choix de rester soldat mais pas que, elle accepte aussi ses désirs de femme. Elle ne subit plus mais est consciente de ses choix.
    Ma vision se base surtout sur le manga, j’ai vu l’anime il y a un moment déjà mais il me semble que le déroulement est a peu près similaire.

    Pour Kaoru, au moment où l’histoire commence, elle a déjà été « amputé » d’une part de sa féminité donc techniquement on ne sait pas comment elle était avant. Bien qu’on puisse effectivement supposer qu’elle était déjà une idole sportive. Elle retrouve cette féminité en se mariant à la fin, elle ne retrouve pas la féminité par le mariage mais par l’acceptation d’elle même, de ses désirs et de l’amour de Takehiko. Mais là aussi elle ne se voit pas comme un homme, bien qu’a un moment elle est même comparé à un personnage de la littérature japonaise du même nom issu du « dit du Genji » pour sa beauté et son succès auprès des femmes (quand on voit comme les hommes sont représentés -je pense aux versions animées-), mais comme Oscar tout ses désirs de femme sont remis en cause.

    Par contre pour le cas chez Black Jack c’est carrément misogyne. Une ablation des seins je peux comprendre que ça remette en cause sa séduction et désir de plaire mais les ovaire c’est un rapport avec la maternité pas la féminité. Quoique en socio, on nous avait parlé de tribus en afrique où une femme qui ne pouvait avoir d’enfant était considéré comme une homme et devait se marier avec une femme. C’est quand même réduire les femmes à leur fonction reproductive :/

    Pour Haruhi certes c’est un cas à part mais je ne sais pas si on peut le qualifier de pathologique. Je pense qu’elle a conscience de son genre mais qu’elle s’en fiche, ce qui se répercute sur le genre opposé. Cette dynamique n’est pas dans ses préoccupations. Mais pour les hommes qui tombent amoureux de ce qu’il croit être ou ressemble à un autre homme, le fait de vouloir à tout prix le féminisé, est ce que ce n’est pas essayer de se rassurer sur sa propre sexualité ? (je pense à Nakatsu de parmi eux) Alors que dans l’autre sens une fille qui tombe amoureuse d’un homme déguisé en femme ça passe mieux (Shinohara et Saotome dans Lily la menteuse)
    Dans le cas de Haruhi, ce qui était plus embêtant, c’était pas forcément de la fantasmer en fille mais de lui rappeler que puisqu’elle en est une il y a des choses qu’elle ne peut pas socialement faire -parce que c’est une chose fragile- (le passage où elle défend un groupe de filles lors d’une sortie à la mer).
    Makoto est plus féminin physiquement et dans le comportement, même en ne faisant pas semblant (je pense à la déclaration). Et Ito c’est un garçon manqué certes mais cliché dans le sens où parce que c’est pas une « fille féminine » elle ne sait forcément pas faire la cuisine (ce qui semble être obligatoire pour une fille au japon). Mais Otomen comme W juliette c’était effectivement intéressant d’avoir un couple qui se complète sans avoir besoin de vouloir à tout prix changer l’autre.

    Mais je suis aussi d’accord, le sexisme vient des deux côtés. Tient à côté de chez moi il y a un atelier de couture qui propose des cours pour « les petites filles, les demoiselles et les dames ». Ma première réaction a été « et les hommes ? les hommes ça n’a pas le droit de savoir coudre ?? ». Et puis en cette période de noël j’évite de regarder les catalogues de jouets parce que là c’est la fête du slip.
    Pour Daigorô Tachibana (celui qui joue O-Kinu dans Zatoichi), je trouve que même en femme il ressemble à un homme ^^’ Je trouve limite Ryuhei Matsuda plus féminin dans Gohatto que lui ^^’

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  5. Gemini dit :

    Je ne sais pas si tu as suivi cette affaire, mais un catalogue de jouet a justement mis des photos de garçons jouant à la poupée et de filles jouant avec une grue mécanique. Une association anti-mariage pour tous a porté plainte… Mais la connerie est aussi dans le sens contraire : une association LGBT a porté plainte contre une agence de publicité qui montrait uniquement des familles composées d’un père, d’une mère, et d’enfants.

    Au Japon, il y a cette place importante de la femme au foyer, là où en France, cela parait rétrograde. Mais en même temps, la situation au Japon fait qu’il n’existe que deux possibilités : le travail ou le mariage. Sachant que lorsqu’une femme se marie, elle peut oublier toute idée de promotion dans son entreprise, car son employeur part du principe qu’elle sera enceinte à un moment ou un autre et ne pourra plus assumer ses responsabilités. De plus, la maternité est intimement lié à la notion de mariage, beaucoup plus qu’en France : 4% des naissances ont lieu hors mariage (contre 50% en France), et il n’existe que peu d’infrastructures permettant aux femmes de concilier travail et enfants.
    Il reste néanmoins une troisième voie : épouser un étranger ou un homme qui acceptera de jouer le rôle du père au foyer. C’est mal vu, mais cela se répand. Je connais plusieurs Français mariés à des Japonaises gagnant très bien leur vie, et qui passé 30 ans (soit la date de péremption pour une femme au Japon) ont souhaité fonder une famille.

    Pour Haruhi, c’était peut-être exagéré de dire que c’est pathologique, mais elle est en tout cas très candide voire carrément bouchée quand il s’agit d’amour ; comme les héroïnes de Kuragehime, nous pouvons être sûrs qu’elle comprendra de travers toute tentative de séduction… Mais du côté de ses soupirants, nous pouvons penser qu’ils apprécient tout simplement de la voir porter des vêtements féminins, ou du moins des vêtements qui la mettent en valeur ; alors qu’au quotidien, cela ne la préoccupe absolument pas.

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  6. Tama dit :

    Je viens de me rendre compte que ma fâcheuse tendance à écrire des pavés monumentaux m’a repris donc mea maxima culpa pour la longueur.

    Honnêtement, je n’avais jamais entendu parlé de l’affaire mais d’un côté ça ne m’étonne qu’à moitié que les deux parties se tapent sur la gueule. Il est difficile de trouver un juste milieu mais par moment on tombe dans des débats c’est niveau bac à sable.

    J’ai souvent lu que la femme japonaise a un rôle plus grand au sein du foyer alors que l’homme n’est là que pour rapporter de l’argent. Si on plaint la femme, je ne sais pas si le fait de se tuer au travail en n’ayant pour seul rôle que celui de payer les factures est plus enviable…
    J’avais vu pas mal de reportage sur les femmes au japon notamment sur la thématique famille/travail. Celles qui étaient de la vieille époque, notamment juste après la 2e guerre mondiale, trouvaient normal et de leur devoir de repeupler. Celles d’après non. Je me souviens d’une femme qui après son mariage et son accouchement était retourné à son travail pour découvrir qu’elle n’avait plus de bureau car pour son employeur mariage/bébé = femme au foyer. Elle a donc divorcé pour pouvoir continuer à travailler. Ce que je trouve assez affreux c’est que l’on ne peut pas avoir les deux. J’imagine qu’il doit bien exister quelque part au japon des femmes qui travaillent et élèvent leurs enfant sans avoir besoin de divorcer pour ça (il y a les femmes mangaka qui me viennent en tête mais il doit y avoir d’autres exemples). C’est une thématique que l’on retrouve dans beaucoup de josei.

    Dans les mariages femmes japonaises/hommes étrangers que j’ai pu croiser. Certaines n’avaient épousées l’homme que pour pouvoir échapper au dictat japonais quand d’autres ne faisaient que reproduire le même schéma en restant à la maison et en élevant leurs enfants dans les valeurs traditionnelles. De mon point de vue, je ne vois pas l’intérêt de vouloir la liberté (en tout cas une forme de) pour reproduire ce qu’on a toujours détesté.

    C’est vrai qu’il y a Kuragehime, j’avais zappé, avec en prime là aussi un superbe cas de travestissement. Dans le manga, l’incompréhension face à l’amour est poussée jusqu’au paroxysme. Mais dans leur cas, j’ai l’impression qu’elles ne veulent pas comprendre parce que ce genre de chose leur semble impossible voir inaccessible.
    Haruhi c’est plus du je m’en foutisme, enfin en tout les cas, c’est comme ça que je vois le personnage dans sa globalité. Le fait que Tamaki veuille la voir dans un maillot deux pièces à froufrous, c’est vraiment un fantasme personnel plus que de vouloir la voir en valeur. C’est pas son plaisir à elle mais son plaisir à lui.

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  7. Gemini dit :

    Inutile de t’excuser, c’est un plaisir de lire tes pavés !

    Évidemment que Tamaki veut mettre Haruhi en valeur pour son plaisir personnel. Mais je me vois mal le lui reprocher.

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  8. Tama dit :

    Pour Tamaki ce n’était pas un reproche, on a tous nos fantasmes 🙂
    Ce que je pourrais reprocher en revanche c’est de vouloir appliquer, forcer, ses désirs sur quelqu’un, encore plus si cette personne n’en a pas vraiment envie.

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  9. a-yin dit :

    Débat passionnant, j’aime beaucoup lire vos « pavés » alors ne vous gênez pas 😀 ! L’intervention complètement inutile, mais je voulais quand même le dire 😉 .

    Sinon, Gemini, c’est normal pour une femme d’être sexiste. Si on y réfléchit bien, notre monde est sexiste et on naît dans un bain culturel sexiste, comment donc faire autrement? C’est donc normal que les femmes, comme les hommes le soient, même si ça peut paraître paradoxal à tes yeux. Pour ne plus l’être, sexiste, il faut vraiment faire un effort intellectuel et déconstruire tout ce qu’on a appris, vécu, vu. Ce n’est pas évident. C’est même clairement difficile. Rien qu’ouvrir les yeux sur le sexisme, déjà, est un travail en soi. Il faut parfois un déclic. D’autres auront vécu des moments difficiles car pas « programmé » comme les autres (c’est un peu mon cas pour ma part, aucune envie d’être belle, je m’en fiche beaucoup un peu comme Haruhi que vous évoquez – je n’ai pas lu Host Club, je ne comprends même pas qu’on puisse se torturer pour porter certains vêtements et se lever hyper tôt pour se maquiller et se coiffer).

    Après, je suis d’accord avec Tama quant à la vision occidentale qui peut être biaisée sur la vision hommes-femmes.

    Quant à Tezuka et son Princesse Saphir, je crois que c’est plus sexiste qu’autre chose, ne serait-ce que le cas évoqué dans Black Jack xD. Ah, la fonction reproductrice, la sacro-sainte fonction reproductrice. J’ai une cousine (chinoise) ayant épousé un Japonais, et vivant donc au Japon. Elle a une fille de 5 ans, et a toujours bossé, je crois qu’elle gagne plus que son mari. Lui bosse aussi. Je discute peu avec elle mais je me demande comment elle y arrive vu ce qu’on a comme vision du travail là-bas pour ce qui est des femmes… Mais elle y arrive, elle concilie les deux, et gagne vraiment bien sa vie, dans une grosse boîte.

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