Qu’est-ce qu’un manga ?

Suite de ma série d’articles sur « le manga pour les nuls« . Cette fois, nous rentrons dans le vif du sujet avec la définition du manga, ainsi que son histoire.

Comme dirait mon ancienne prof de maths : il suffit d’une seule exception pour qu’une définition ou un théorème devienne caduc. Ainsi, il est finalement délicat de donner une définition absolue du manga, dans la mesure où nous pourrions aisément trouver des titres pour venir la contredire.
Voilà ce que nous pouvons dire sans risquer de nous tromper :
– Ce sont des BD japonaises.
Le noir et blanc n’est pas une constante (Saint Seiya Next Dimension), de même que le sens de lecture de droite à gauche (La Dame de Falis), et si nous nous appuyons trop sur les séries actuelles pour en donner une description plus poussée, nous risquons d’exclure des titres plus anciens dont la qualité de manga ne pourrait pourtant être contestée. En vérité, le manga n’est pas figé dans le temps, il évolue en permanence. Pour bien le comprendre et le connaitre – même si cela n’est pas nécessaire pour l’apprécier – il faut s’intéresser à son histoire.

Le mot « manga » est traditionnellement associé à Hokusai, et signifierait « image dérisoire » ; le célèbre artiste l’utilisait pour désigner ses carnets de croquis : les « Hokusai Manga ». A l’époque, il travaillait notamment sur des romans richement illustrés, pouvant contenir autant de texte que de dessin ; néanmoins, nous n’en sommes pas encore à la BD telle que nous la concevons aujourd’hui.
Il faut attendre la seconde moitié du XIXème Siècle et l’ouverture du Japon à l’Occident pour voir apparaitre une première forme de BD, à travers les travaux d’illustrateurs expatriés – européens et américains – qui commencent à publier leurs propres journaux : Japan Punch – l’équivalent japonais du magazine satyrique anglais Punch – Tokyo Puck, ou encore Tobae. Ils apportent de nouveaux codes graphiques et auront une grande influence sur les artistes japonais.

Dans les premières décennies du XXème Siècle, la BD japonaise ne se différencie pas énormément de la BD occidentale. Les auteurs japonais restent sous influence étrangère, lisent la production américaine et européenne, et certains des grands noms de l’époque vont même effectuer des stages aux USA.
Leur seule particularité vient de leur sens de lecture. Lorsque les journaux d’information apparaissent au Japon, il en va de même pour les comic-strips, ces courtes histoires constituées de 4 cases que nous trouvons régulièrement dans ce type de publication. Pour s’adapter au sens de lecture japonais – de haut en bas et de droite à gauche – la disposition des cases du comic-strip passe de l’horizontal à la verticale, donnant naissance au format yon-koma (« quatre cases »).

Les premiers magazines de BD apparaissent : le Shônen Club (pour les garçons) en 1914, le Shôjo Club (pour les filles) en 1923, puis le Yonen Club (pour les très jeunes enfants) en 1926. Ces publications ne contiennent pas uniquement de la BD, mais aussi des articles, des reportages, ou encore des romans photos ; il faut les rapprocher de magazines tels que Le Journal de Mickey et Le Journal de Minnie. Néanmoins, il s’agit bien de prototypes pour les futurs mangashi à venir, puisque les BD publiées dans ces titres seront ensuite compilées sous forme de volumes reliés.
Ces publications se vendent bien – jusqu’à 900.000 copies par numéro – mais la guerre aura une influence considérable sur leur contenu dès le début des années 1930. Utilisées à des fins de propagande auprès de la jeunesse, leur épaisseur diminue, les couleurs disparaissent, jusqu’à leurs pages BD elles-mêmes car jugées « frivoles » et inutiles dans un contexte militaire.

Il faut attendre 1945 pour que le manga ait de nouveau droit de s’exprimer ouvertement. Ruiné, le pays recherche des loisirs bon marché ; un terrain sur lequel il va pouvoir s’épanouir. En 1946, Michiko Hasegawa commence la publication de Sazae-san, série culte en yon-koma qui durera jusqu’en 1974 ; son adaptation animée commencera en 1969, et continue encore de nos jours.
Mais la révolution viendra d’Osaka, dans le Kansai. Des éditeurs locaux décident de lancer les « akabon » – littéralement « couverture rouge » – des livres en papier recyclé, possédant un nombre fixe de 200 pages, et dont le prix très attractif sera synonyme de succès. Deux auteurs – le scénariste Shichima Sakai et le dessinateur Osamu Tezuka – s’associent pour écrire en 1947 Shin Takarajima, considéré depuis comme le premier manga moderne ; il s’en serait écoulé entre 400.000 et 800.000 exemplaires.

Osamu Tezuka est très certainement l’auteur le plus important de l’histoire du manga. Même si, comme tous les mangaka, il reste dépendant des éditeurs, son style aura une influence considérable sur toutes les générations d’artistes qui suivront, provoquant une disparition progressive du manga tel qu’il existait avant le début de sa carrière.
Lui-même fortement influencé par le cinéma et par les productions de Walt Disney, le trait de Osamu Tezuka se caractérise par un découpage cinématographique, nerveux, conçu pour donner une illusion de mouvement. Au lieu de mettre en scène une succession d’événements, il s’intéresse plus aux moments et n’hésite pas à utiliser plusieurs cases pour décortiquer une seule action. Pendant de nombreuses années, l’auteur se fera aussi remarqué par ses personnages proches du cartoon ; cet héritage américain explique en partie pourquoi les héros de manga ne ressemblent pas forcément à des Japonais, notamment par la taille de leurs yeux.

L’influence de Osamu Tezuka ne se limitera pas à son dessin. Avec plus de 150.000 pages à son actif – il se dispute le titre de mangaka le plus prolifique avec Shotaro Ishinomori – il a contribué à populariser de nombreux genres et thèmes dans les manga, comme la science-fiction et la robotique.
C’est en lisant ses travaux que de nombreux jeunes artistes décideront de s’orienter vers l’écriture de manga, comme Shotaro Ishinomori ; certains deviendront ses assistants, parfois le temps de quelques pages, avant de publier leurs propres séries et de connaitre à leur tour le succès. Avec la popularité nouvelle du manga moderne, la demande du public explose. En 1953, Osamu Tezuka s’installe à Tokiwasô sur le conseil de son éditeur : obligé de produire plusieurs séries simultanément (tout en poursuivant ses études de médecine), il lui faut un lieu pour travailler sereinement avec des assistants, apprentis mangaka. Tokiwasô deviendra célèbre comme un vivier de jeunes talents, puisque passeront entre ses murs Shotaro Ishinomori, Fujio Akatsuka, Yoshiharu Tsuge, ou encore Fujiko F. Fujio.

Dans les années 40 jusqu’au milieu des années 60, la grande majorité des mangaka sont des hommes ; Michiko Hasegawa ferait presque figure d’exception. Cela s’explique par deux phénomènes : le statut des femmes dans le Japon d’après-guerre, ainsi que l’influence limitée de Osamu Tezuka sur les manga destinés au lectorat féminin. En effet, Osamu Tezuka n’écrira longtemps que des shônen, touchant par ce biais une majorité de jeunes garçons qui décideront d’embrasser la carrière de mangaka. Le shôjo ne subit pas cette révolution, le manga moderne n’étant pas considéré comme pertinent pour cette catégorie. S’il n’y a que peu de femmes mangaka, qui écrit les shôjo ? Des hommes, tout simplement. Mais ils présentent de grandes difficultés à produire des manga capables de réellement parler à leur lectorat ; la plupart de leurs histoires évoquent de jeunes filles maltraitées par une belle-mère tyrannique et attendant le prince charmant. Pire : en raison de l’arrivée massive de jeunes auteurs souhaitant marcher dans les pas de Osamu Tezuka, le marché du shônen devient ultra-concurrentiel ; de nombreux mangaka n’arrivant pas à percer se rabattent bon-gré mal-gré sur le shôjo, qui fait alors figure de poubelle du shônen. Plusieurs futurs grands noms du shônen comme Leiji Matsumoto, Shotaro Ishinomori, ou Tetsuya Chiba commencent leur carrière en écrivant du shôjo.
Il faut attendre 1953 pour que Osamu Tezuka s’intéresse aux shôjo avec Princesse Saphir, mais son influence restera plus limitée.

Jusqu’à la fin des années 50, il existe deux marchés parallèles du manga. Celui des grands éditeurs tokyoïtes, auquel appartient Osamu Tezuka, pour qui le manga est un loisir enfantin, et celui des librairies de prêt, basé dans le Kansai, qui touche un public plus adulte. Les deux marchés possèdent leurs propres auteurs, et leur différence de lectorat se ressent dans le contenu des œuvres qu’ils écrivent. Du côté des librairies de prêt, des mangaka comme Hiroshi Hirata, Yoshihiro Tatsumi, ou Sanpei Shirato n’hésitent pas à aborder des thématiques plus sombres, plus violentes, plus dramatiques, voire plus crues, donnant ainsi naissance à une nouvelle catégorie de manga : le gekiga, ou « image dramatique ». Lorsque le marché des librairies de prêt commence à s’essouffler, ces mangaka rejoignent le marché principal, apportant avec eux les codes propres aux gekiga et commençant à publier des titres plus adultes.

Si un auteur comme Osamu Tezuka n’hésitait pas à ajouter de la noirceur et ses propres obsessions dans ses travaux, il n’en demeurait pas moins spécialisé dans le manga pour un jeune public, et ne semble alors pas trouver un intérêt dans une production destinée à un lectorat plus âgé. Il va réagir presque violemment à l’apparition du gekiga ; une anecdote célèbre à ce sujet raconte qu’il donna à un adversaire de son héros Astro le nom de Geikga, comme pour symboliser sa désapprobation. Pourtant, il finira lui-aussi par créer des manga destinés à un public mature – notamment Sous notre Atmosphère et Avaler la Terre à la fin des années 60 – et en écrira quelques-unes des plus belles pages.

Dans les années 60, une nouvelle augmentation de la demande des lecteurs de manga pousse les éditeurs à lancer de nouveaux mangashi, notamment pour les shôjo. Le nombre de mangaka en activité ne suffit plus à remplir toutes les pages de ces magazines, et cela ouvre une brèche pour l’arrivée d’une nouvelle génération de femmes mangaka – certaines encore lycéennes – influencées non seulement par les shôjo manga mais aussi par les publications de Jun’ichi Nakahara comme Himawari et Junior Soleil, des magazines destinés à un lectorat d’adolescentes. Les femmes peuvent désormais reprendre les rênes du shôjo. Une d’entre elles, Yoshiko Nishitani, a une idée simple mais novatrice : faire d’une adolescente ordinaire l’héroïne de ses histoires. Plus âgée que l’héroïne de la plupart des shôjo jusqu’à lors, plus proche des filles dessinées par Jun’ichi Nakahara et de ses lectrices, ce principe qui nous semble aujourd’hui évident va lui permettre d’introduire de la romance dans ses récits, ce qui était jusque-là impossible compte-tenu de la jeunesse des personnages. Dès lors, les lycées et collèges deviennent des décors privilégiés pour les mangaka de shôjo.
Ces bouleversements vont attirer des lectrices plus âgées vers le shôjo, mais aussi quelques lecteurs séduits par l’avant-gardisme de certaines publications ou leur portée universelle.

Outre l’arrivée de nombreuses femmes mangaka, les années 60 vont connaitre un autre chamboulement. En 1961, Osamu Tezuka fonde Mushi Productions, avec le concours de quelques animateurs débauchés chez Toei Dôga, futur Toei Animation. Son but : créer des séries d’animation pour la télévision, là où Toei Dôga ne s’intéressait qu’aux long-métrages. En 1963 commence la diffusion de Astro Boy, dont le succès sera tel que de nombreuses autres chaines de télévision et studio d’animation se lanceront dans l’aventure. Le manga devient indissociable de l’animation, certains animes connaissant un succès tel qu’ils auront une influence sur le contenu des manga. Des genres pourtant apparus dans le manga en premier lieu – à commencer par le Magical Girl et le robotto – vont s’épanouir grâce à l’animation.

Il convient de ne pas oublier que l’histoire du manga dépend en grande partie des œuvres qui ont marqué leur lectorat au point de provoquer de véritables bouleversements. A ce titre, peu de manga ont généré un impact semblable à celui de Ashita no Joe de Tetsuya Chiba et Asao Takamori, publié de 1968 à 1973, et adapté en anime en 1970 puis en 1980. Non seulement il a connu un succès difficilement imaginable aujourd’hui – au point que de nombreux fans se rassemblèrent spontanément pour célébrer les funérailles d’un personnage à la mort de celui-ci – mais surtout, il a posé les bases d’un shônen moderne, fondé sur l’effort, le dépassement de soi, et la volonté de vaincre à tout prix. Le nekketsu ou « sang bouillant » vient de naitre. De nombreux éléments de Ashita no Joe deviendront des archétypes du shônen, comme la figure du maître, l’amitié virile teintée de rivalité, l’idée que deux personnages peuvent se comprendre à travers un combat, ou le héros orphelin.

Le shôjo ne se trouve pas en reste. Des mangaka comme les membres du Groupe de l’An 24 (nom donné car la majorité sont nées en 24 de l’ère Shôwa) ou Riyoko Ikeda vont contribuer à moderniser profondément cette catégorie au début des années 70, que ce soit dans son graphisme, ses histoires, ou ses codes. Les fameux « yeux énormes constellés d’étoiles » font leur apparition : ils permettent de refléter les sentiments des personnages sans que ceux-ci n’aient à les exprimer ouvertement ; plus les yeux sont grands, plus ils peuvent contenir d’éléments, et plus ils expriment d’émotions différentes. Mais cela nécessite que les lecteurs comprennent ces codes.
A l’instar des shônen, les shôjo abordent des thèmes et des genres de plus en plus variés, comme la science-fiction ou les drames historiques. Ils n’hésitent pas à choquer en présentant des adolescentes enceintes, des personnages drogués, ou des romances homosexuelles, féminines ou masculines.
Keiko Takemiya et Moto Hagio donnent naissance aux shônen ai, des manga mettant en scène des relations homosexuelles masculines, avec des titres comme Kaze to Ki no Uta ou Thomas no Shinzo. Dans un Japon où les relations homme/femme étaient alors de l’ordre du dominant/dominée, présenter deux personnages de même sexe les mettait sur un pied d’égalité et permettait de proposer une véritable romance ; le choix de deux hommes plutôt que deux femmes s’explique car dessiner un semblant de nudité masculine aurait moins choqué que la nudité féminine.

La naissance du shônen ai ouvre la porte à l’apparition du yaoi, acronyme de YAma nashi, Ochi nashi, Imi nashi signifiant : « pas de pic, pas de chute, pas d’histoire ». La différence avec le shônen ai se situe donc dans un contenu essentiellement porté sur la relation homosexuelle en elle-même. L’émergence d’une production amateur va participer à l’explosion du yaoi, dès la fin des années 70. Plusieurs séries à succès – manga ou anime – vont être largement employées par les auteurs de dôjinshi (« revue de cercle ») pour imaginer des dérivés yaoi, en spéculant sur les relations possibles entre les différents protagonistes. Le premier titre à subir cette récupération à grande échelle sera Captain Tsubasa en 1981, manga sportif avec un casting de personnages presque exclusivement masculins. Dans les années 80, deux autres séries vont contribuer à l’augmentation de la production de dôjinshi yaoi : Saint Seiya et Les Samourais de l’Eternel. Puis, dans les années 90, ce sera au tour des personnages de l’anime Gundam Wing d’être récupérés par les auteurs de yaoi.

Les années 70 seront aussi celles de la démocratisation du volume relié, qui constituera désormais la principale préoccupation des éditeurs en lieu et place des mangashi. En parallèle de ce phénomène, nous assistons à une spécialisation des mangashi, certains commençant à cibler des niches de lecteurs ou se spécialisant dans des genres précis, comme la science-fiction. Avec le vieillissement de la population de lectrices venues aux shôjo au début des années 70, apparait un nouveau type de publication : les Ladies Comics, ou josei, destinées à un public de femmes adultes.

Nous sommes alors à une période charnière en terme de contenu. Depuis la fin des années 60, de nombreux auteurs revendiquent un ton plus outrancier, plus libertin, plus crétin, voire plus cru, ce qui participe à la différenciation du manga par rapport à son équivalent américain, encore assez politiquement correct. En 1967, Monkey Punch débute son manga culte Lupin III, qui se caractérise notamment par une pléthore de personnages féminins aux formes généreuses, et un héros qui n’hésite pas à donner de sa personne. Mais l’auteur emblématique de ce mouvement reste certainement Go Nagai : son premier grand succès en 1968, Harenchi Gakuen (comprenez « L’Ecole Impudique ») fait scandale en montrant une école aux mœurs très libérées. En 1972, il recourt à une violence extrême dans Devilman, avouant après-coup que l’écriture de ce manga l’avait rendu presque fou. En 1973, il crée le manga Cutie Honey et son héroïne libertine, et n’hésite pas à recourir à un humour scatophile, allant jusqu’à faire des blagues sur un personnage souffrant d’hémorroïdes et laissant derrière lui de longues trainées de sang. Il réitère en 1974 avec Kekko Kamen et son héroïne entièrement nue, à l’exception d’un masque, de gants, et d’une paire de bottes.
De l’érotisme à la pornographie, il n’y a qu’un pas déjà partiellement franchi par les studios Mushi Productions et sa trilogie des Animerama, débutée en 1969 avec Senya Ichiya Monogatari.

A compter du début des années 80, les grands changements viendront surtout d’œuvres connaissant suffisamment de succès pour contribuer à l’évolution du média. La décennie est marquée par la publication entre 1982 et 1989 du chef d’œuvre de Katsuhiro Otomo : Akira. Ce titre va profondément marqué ses lecteurs, et nous en trouverons des traces dans de nombreuses autres publications ; au-delà de son succès au Japon, Akira connaitra un accueil enthousiaste à l’internationale, participant à l’apparition du manga en Europe et surtout aux USA. Si le début des années 80 est marqué par la popularité de Terra e… de Keiko Takemiya (débuté en 1977) et Urusei Yatsura de Rumiko Takahashi (débuté en 1978) – soit deux shônen écrits par des femmes – la fin de la décennie s’avérera particulièrement faste pour l’industrie du manga, puisqu’elle verra la publication simultanée de plusieurs titres majeurs en terme de vente et d’impact : Saint Seiya de Masami Kurumada, Hokuto no Ken de Tetsuo Hara et Buronson, City Hunter de Tsukasa Hojo, et surtout Dragon Ball de Akira Toriyama, qui vient juste après un autre succès de l’auteur : Dr Slump. Comme Ashita no Joe en son temps, Dragon Ball va imposer de nouveaux poncifs du shônen, même si nombre d’entre eux tirent leur origine du J-RPG, comme le principe du voyage initiatique.

Du côté du shôjo, l’heure est à des histoires plus axées sur la romance et le quotidien, par opposition aux drames épiques / historiques ou à la science-fiction qui fit ses grands succès dans les années 70. Les collèges et lycées redeviennent des lieux privilégiées pour les mangaka, ce qui ne leur interdit pas de recourir au fantastique ou de délocaliser l’action dans d’autres lieux et d’autres époques.
Cette tendance n’empêche nullement l’émergence de titres radicalement différents, dont certains connaitront un véritable succès critique et populaire. Ce sera le cas pour Banana Fish en 1985.

Depuis le début des années 90, le manga s’est installé dans une sorte de routine, les meilleures ventes influençant partiellement l’industrie, ce qui donne lieu à la publication d’autres manga situés dans des veines similaires. La décennie aura notamment été celle des CLAMP, un collectif de quatre artistes (issues de la scène amateur) enchainant les succès, ou encore de la comédie romantique destinée à un public masculin, initiée à compter de 1984 par Kimagure Orange Road puis concrétisée dans les années 90 par des mangaka comme Masakazu Katsura (Video Girl Aï), Kôsuke Fujishima (Ah! My Goddess), ou Ken Akamatsu (Love Hina).
Le Shônen Jump a fini par s’imposer comme le mangashi phare suite à ses cartons de la fin des années 80, avec près de 4 millions d’exemplaires vendus par semaine et des séries comme Naruto, Hunter x Hunter, ou One Piece, qui caracolent en tête des ventes pour certaines depuis une dizaine d’années. Le problème posé actuellement aux éditeurs japonais (et à leurs homologues étrangers), c’est qu’il semble difficile de trouver des successeurs aussi performants que ces titres, qui s’approchent tous inexorablement de la fin. Leur arrêt ne risque-t-il pas de provoquer un séisme dans l’industrie du manga, similaire à celui consécutif à la fin de Dragon Ball dans les années 90 ? A l’époque, le Shônen Jump avait réussi à se maintenir tant bien que mal grâce à Kenshin le Vagabond et Jigoku Sensei Nûbê. Seul l’avenir nous le dira.

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12 commentaires pour Qu’est-ce qu’un manga ?

  1. Tetho dit :

    Les mangas publiés au Japon avec un sens de lecture de gauche à droite sont très rares existent. Lodoss Tô Senki – Phalis no Seijo pour un exemple sorti chez nous. Ce n’est donc pas un critère viable.
    De même, et si dans le fond je suis d’accord, je pense qu’il faudrait préciser le « BD japonaise ». Tu veux parler de BD réalisées par des japonais ? Ou de BD publiées à l’origine au Japon pour le public japonais ? Je pense qu’il faut s’attacher à la seconde définition, la seule qui permet d’intégrer les mangas de Lim-Dal Young, les trucs moches de Boilet et les eromanga de Shindô L.

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  2. Gemini dit :

    Je serais plutôt partisan de la seconde définition. Pour les manga en sens de lecture occidental, j’ignorais que cela existait… Je vais donc procéder à une modification du texte. Merci beaucoup !

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  3. Natth dit :

    Le terme Boy’s Love apparaît au milieu des années 90 (cf Manga 10 000 Images), pour remplacer l’expression shônen ai un peu trop datée, le nom June trop lié au mangashi éponyme (le premier consacré aux mangas du genre) ou l’acronyme yaoi qui désigne plutôt les dôjinshi. C’est donc le shônen ai qui est né dans les années 70. Mais cela reste un détail, car le développement reste le même quel que soit le nom. Au passage, le genre s’est vraiment installé en librairie à partir de 1981, avec le retour du magazine June (première tentative entre 1978 et 79).

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  4. Gemini dit :

    Je note je note. Merci. Et j’améliore le texte au passage.

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    • Natth dit :

      Désolée, mon précédent message était trop braqué sur la correction. Je suis en phase de relecture/vérification actuellement, mais ça ne devrait pas durer longtemps. En tout cas, c’est un article riche en informations et très intéressant à lire. Une bonne synthèse en somme ^^

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  5. Jonas dit :

    C’est un bon article cependant je pense que le choix d’une romance homosexuelle n’est pas pour mettre les personnages sur un pied d’égalité. En effet, tu retrouve souvent un rapport dominant/dominé grâce au couple seme/uke.
    De plus, il semblerait que le yaoi soit inspiré par les écrits de Mori Mari qui était la fille de Mori Ôgai.
    http://en.wikipedia.org/wiki/Mori_Mari

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  6. Gemini dit :

    Le seme / uke est arrivé plus tard, ce me semble. Dans Kaze to Ki no Uta, les deux garçons sont très différents mais nous pouvons difficilement parler d’un rapport dominant / dominé, pour ce que j’en connais.

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    • Natth dit :

      ifférence est qu’un personnage masculin est uke en raison de son tempérament, alors qu’un personnage féminin est dans la même position en raison de son sexe. Un uke est faible parce que c’est son caractère et la femme est faible parce que c’est une fille. C’est sa nature, c’est dans ses gènes. Je pense que cette différence plus ou moins subtile (selon le degré de cliché du manga) joue dans l’intérêt pour le yaoi. Pour Mori Ôgai, je confirme le rôle de sa fille dans le développement du yaoi (cf 10 000 Images toujours, difficile de trouver une autre source fiable sur le sujet).

      Pour le rapport seme/uke, j’aimerais parler d’une théorie où une femme lisant du BL/yaoi pourrait apprécier, voire s’identifier aux deux côtés de la pièce. Si les deux personnages sont des hommes, elle n’est pas inconsciemment poussée à s’identifier à l’un ou à l’autre. Elle peut donc profiter de ces deux rôles, ce qui ne serait peut-être pas possible si un personnage féminin était impliqué.

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      • Natth dit :

        J’oubliais… Dans Thomas no Shinzô, Moto Hagio a choisi un couple masculin, car elle trouvait le personnage féminin trop limité. Elle ne voyait pas comment une fille aurait pu faire autant de choses qu’un garçon, vu la société de l’époque (cf son interview dans Drunken Dream si je me souviens bien).

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  7. Ryuurei dit :

    Boichi est aussi un bel exemple de « BD publiées à l’origine au Japon pour le public japonais ».

    Sinon, en parlant de « dispute de titre de mangaka le plus prolifique », si Tezuka a un nombre de pages plus conséquent (700 tomes et +150000 pages), Ishinomori détient le record du plus grand nombre d’histoires (770, pour 500 tomes et 128000 pages). Puis on est aussi dans un cadre de maître à élève, et n’ont certainement jamais cherché à établir un record, ils sont tout les deux impressionnants.

    C’est dans quel tome l’ennemi Geikga dans Astro ?

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  8. Amrith dit :

    On remarquera l’effort de l’auteur pour mettre de côté les polémiques tezukiennes usuelles.

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  9. NdJ dit :

    @Amrith : Tout à fait d’accord.

    Excellent résumé qui risque de se faire pomper par bien des collégiens en manque d’inspiration pour leur exposé de fin d’année. Par contre, je suis déçu : c’est encore le très gentillet Kekko Kamen qui a été cité alors qu’à avec Dororon Enbi-chan, Go Nagai s’était vraiment lâché.

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