Semaine du shôjo ! Vous connaissez le principe (à force) : il s’agit de proposer des articles en partant d’un thème commun, lié aux shôjo manga. Le sujet de cette année : Quel personnage de shôjo t’inspire le plus / lequel serait ton modèle ?
Poser cette question revient à interroger mon rapport à la fiction.
Mes plus anciens souvenirs de cinéma, de BD, et de série TV remontent à la maternelle. J’ai commencé à jouer aux jeux vidéo à l’âge de 6 ans. Depuis, il n’y a sans doute eu que quelques jours durant lesquels je n’ai pas lu un livre, regarder un film ou un épisode d’une série, ou jouer sur un ordinateur ou une console. La fiction fait parti de mon quotidien. La non-fiction aussi, étant amateur de documentaires et ne rechignant pas devant un livre d’histoire de temps à autre.
Cette fiction m’a forcément influencé, consciemment ou non. Plutôt inconsciemment, en réalité. Bien entendu, je pourrais dire que si je me suis, à un moment donné, intéressé à la mythologie grecque, c’est à cause des Chevaliers du Zodiaque. Néanmoins, je parlerai plus ici de cheminement, une œuvre me donnant envie d’en découvrir une autre ou de me pencher sur un sujet en particulier. Par contre, je serais bien incapable de dire en quoi ma personnalité a pu être affectée par chaque découverte.
Cela vaut aussi pour les personnages. Aucun ne me vient spontanément à l’esprit, dont j’essaierais de suivre les traces. Ce qui ne veut pas dire qu’aucun ne m’a marqué. Il n’est pas question ici d’inspiration. Par contre, je reconnais que certains ont pu servir de modèle, dans le sens où ils incarnaient des choix de vie montrant que d’autres chemins s’offraient à moi, en dehors des normes véhiculées par mon entourage ou les médias dominants.
Nous pouvons nous sentir différent pour telle ou telle raison, jusqu’à ce que nous trouvions des personnes – réelles ou fictives – partageant cette différence.
Et les shôjo manga dans tout cela ?
Même si j’en ai lu pour la première fois au lycée, en réalité, ils m’avaient accompagné depuis l’enfance, sous la forme d’adaptations animées. Jeanne & Serge d’abord, plus tard Sakura, la Chasseuse de Cartes, mais c’est surtout Sailor Moon qui m’a profondément marqué. Nous pouvons tout-à-fait imaginer que, sans cette série en particulier, je n’aurais pas lu de shôjo manga par la suite.
Maintenant que nous avons posé les bases, revenons à notre question première : « Quel personnage de shôjo t’inspire le plus / lequel serait ton modèle ? »
Bonne nouvelle : cette année, il s’agira pas de Ran Kotobuki. Je l’adore, mais en tant que spectateur de ses aventures. J’admire sa façon de s’imposer, mais pas au point de la percevoir (consciemment) comme une source d’inspiration. Pour les shôjo manga comme pour le reste, aucun personnage ne me vient à l’esprit, dont je pourrais dire qu’il m’inspire.
Par contre, comme dit tantôt, j’en trouve effectivement montrant qu’il existe de nombreuses façons de vivre, toutes parfaitement valables.
Parmi les séries récentes, deux se démarquent par un protagoniste principal atypique : Don’t call it mystery et Entre les Lignes.
Totono et Makio se distinguent de la majorité des héros de shôjo manga par leur manque de sociabilité, pour ne pas dire leur incapacité à vivre pleinement en société.
Lui dispense une parole sans filtre, incapable de concession, quitte à blesser ses interlocuteurs ; ce dont il ne semble pas toujours avoir conscience, et en fait un étudiant solitaire. En outre, il ne peut pas s’empêcher de singer les mauvaises habitudes de son entourage, les soulignant ainsi à leurs yeux et le rendant encore plus insupportable. Petit bonus : il est ouvertement féministe, et n’hésite jamais à exprimer le fond de sa pensée à ce sujet, à des personnes qui préféreraient ne pas l’entendre.
Elle est romancière, quittant rarement son appartement, célibataire et sans enfant – rare pour une femme adulte dans une série se déroulant à notre époque – et obligée de cohabiter avec sa nièce. Mais vivre avec quelqu’un, essayer tant bien que mal de calquer son rythme sur celui d’autrui, lui demande un énorme effort, et provoque chez elle un fort mal-être. A travers des analepses, nous comprenons que ces difficultés ne sont pas apparues après plusieurs années d’une vie solitaire, mais que cette vie solitaire s’est imposé d’elle-même en raison de ces mêmes difficultés.
Pour autant, et c’est bien là le plus important (et étonnant pour des œuvres japonaises), les autrices de ces deux séries n’accablent pas leurs personnages, ne les jugent pas, et ne leur imposent pas de rentrer dans le moule.
Totono donne aussi une vision différente de la masculinité, par rapport à celle que nous pouvons trouver dans de nombreuses titres. Ceux destinés au public masculin, en particulier, optent plus certainement pour une image plus conquérante et virile, voire débilement viriliste. Il se trouvera toujours des exceptions, comme Shun dans Les Chevaliers du Zodiaque. Qui reste d’ailleurs mon chevalier favori.
D’autres shôjo manga proposeront des modèles de masculinité alternatifs, sans pour autant sombrer dans une imagerie caricaturale (voire homophobe).
Au contraire, dans Genderless Danshi ni Ai sarete imasu (inédit en France), la plupart des protagonistes pensent tout savoir sur la sexualité de Meguru (et parfois même son genre) rien qu’en le regardant, alors qu’il ne fait jamais que prendre soin de son apparence et s’intéresse à la mode. Au point d’en faire son métier. Au quotidien, il forme un couple aimant avec Wako, sa petite amie depuis l’époque du lycée.
My Fair Honey Boy joue sur un registre différent, avec un héros assumant pleinement des centres d’intérêt considérés par tous comme essentiellement féminins.
Dans ces deux séries, avoir des héros bouleversant les codes de la masculinité permet aussi à leurs autrices de créer un décalage avec leurs petites amies, plus proches de la norme, voire avec des centres d’intérêt perçus comme plus certainement masculins. Mais au-delà de cet aspect humoristique, cela fait plaisir de voir de tels personnages, ne cherchant pas à étouffer leurs différences pour se conformer à une certaine image, et acceptés avec bienveillance par de nombreuses personnes.
Si vous me lisez depuis longtemps, vous vous demandez pourquoi je n’ai pas évoqué ci-dessus la série Otomen. Car je la gardais pour cette partie.
Il existe en effet une catégorie de personnages que j’adore trouver dans les shôjo manga, et dont je me sens toujours particulièrement proche : les fans de shôjo manga !
Protagonistes éminemment méta pouvant apporter un discours sur le médium, je ne me lasse pas d’en croiser au fil de mes lectures, et leurs travers reflètent souvent les miens.
Le premier rencontré fût évidemment Asuka, le héros d’Otomen, garçon dissimulant aux yeux du monde (en particulier à sa mère) des loisirs tout sauf masculins. Dont la lecture de shôjo manga, passion qu’il partage avec son meilleur ami Tachibana. Lequel cache un TERRIBLE secret ! Je déconne : passionné de shôjo manga, il a décidé de devenir mangaka (sous pseudonyme). Il ne s’agit pas du seul auteur de shôjo manga que nous pouvons croiser dans la fiction.
Dans Shôjo Relook, Kako est fan d’un shôjo manga fleuve en 98 volumes prenant beaucoup (trop) de place dans son quotidien. Et dont elle se sert de modèle pour relooker son ami d’enfance, qui autrement aurait l’air d’un plouc tout juste débarqué de sa campagne (ce qu’il est). Dans le genre monomaniaque et obsessionnelle, Kako se pose là.
Surtout, il y a Ibu. Personnage de Moving Forward, elle semble vivre dans une bibliothèque, entourée de shôjo manga. Ce qui peut paraître idyllique de prime abord, et cache en réalité une phobie sociale prononcée (elle ne va plus en cours). En outre, elle analyse chaque situation du quotidien – en particulier les relations amoureuses – en fonction de sa connaissance encyclopédique des shôjo manga, se qualifiant elle-même de personnage secondaire qui n’aura pas le droit à sa romance.
Comme la catégorie précédente, le décalage entre le genre et les centres d’intérêt d’Asuka et Tachibana sert d’élément comique, même si lesdits centres d’intérêt finissent pas être acceptés par tous. Kako, de par ses réactions parfois extrêmes et sa connaissance ultra spécifique d’un seul shôjo manga, fonctionne aussi avant tout comme moteur comique. Par contre, si le comportement d’Ibu peut amuser de prime abord, sa passion excessive ressemble plus à un symptôme d’un malaise plus profond ; heureusement pour elle, il ne s’agit pas d’une héroïne d’un manga d’Akiko Higasihmura, laquelle ne trouverait aucune justification valable à son comportement, et se contenterait de lui foutre un coup de pied aux fesses pour l’obliger à se confronter au monde extérieur (la délicatesse…).
Si je devais me reconnaître dans un de ces nombreux personnages, ce serait Ibu. Et j’avoue que j’aimerais bien pouvoir rester chez moi à lire toute la journée. Tout en sachant que, pour de nombreuses raisons, ce ne serait ni idéal, ni réaliste…
Néanmoins, le sujet premier portait sur les personnages exerçant une influence ou faisant office de modèle, et non ceux auxquels nous ressemblons.
Alors, existe-t-il un personnage de shôjo manga qui soit à la fois asocial, atypique, et fan de shôjo manga, tout en représentant une inspiration ou un modèle à mes yeux ?
Oui : Hideaki Anno, le co-réalisateur (avec Shinji Higuchi) de Shin Godzilla et Nadia et le Secret de l’Eau Bleue, tel que décrit par Moyoco Anno dans les shôjo manga (c’est donc 100% dans le thème) décrivant leur vie de couple.
Passionné notamment de shôjo manga, dépressif, asocial, herbivore,… je me sens proche de sa personnalité.
Et en tant que réalisateur, il ne fait aucun doute que son travail a eu énormément d’influence sur moi. Car sans Neon Genesis Evangelion, je n’aurais jamais sombré à ce point dans l’animation japonaise et les manga.
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Excellent article ! On doit être à peu près de la même génération tant je le retrouve dans tes références. Notamment les plus anciennes.
J’ai aussi pensé à Makio d’Entre les lignes pour mon propre article tant je retrouve certains de mes traits au quotidien chez elle et tant je suis contente qu’on ose mettre en valeur un tel personnage atypique. Je regrette de ne pas avoir pensé à Ibu en revanche, j’ai failli parler de Fuko mais elle m’a agacée à la longue…
Bref très bel article plein de réflexion
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Merci beaucoup, j’ai hâte de découvrir tes inspirations dans ton article.
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Très bon article ! Super réflexion sur le manga shojo, j’ai l’impression que ma « sensibilité shojo est un peu différente mais finalement on a « du grandir à la même époque clairement. Et la mention d’Ibu 💜💜 super idée.
J’avoue j’ai jamais lu Otomen alors que c’était la série à lire quand j’étais au lycée (je crois), je la met dans ma liste à lire !
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Merci ! Otomen souffre des tares des comédies romantiques trop longues, donc à consommer avec modération. Mais pour qui apprécie les shôjo manga, il y a des moments tordants.
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