La diffusion japonaise de La Mélancolie de Haruhi Suzmiya a commencé le 3 Avril 2006. Joyeux anniversaire !
Tout d’abord, quelques éléments de contexte. Après avoir vu la série en 2006, j’ai écrit une critique pour Ima Doki, le site d’un ami. Le site n’existant plus, j’ai rapatrié la critique en question sur ce blog en 2009, et une petite phrase a provoqué des réactions inattendues ; en effet, j’y indique que les musiques, en particulier les génériques, passent inaperçues. Scandale, indignation de quelques lecteurs passionnés par la série, comment ai-je pu passer à côté d’un « phénomène » comme le Hare Hare Yukai, le générique de fin et la danse l’accompagnant !? Simple : en 2006, j’appartenais à une petite communauté internet appelée Sunrise Dreamers ; ni plus ni moins qu’un forum où nous nous retrouvions depuis 2003. Nous étions férus d’animation et de manga, mais tout ce que ces séries pouvaient générer en dehors de leurs formats d’origine nous intéressait peu, je dirai même que nous n’en avions absolument pas conscience. A l’inverse, j’ai plus tard découvert une communauté, évoluant notamment autour des blogs de l’époque, qui elle considérait l’impact d’une série et la production amateur comme partie intégrante de celle-ci. Et parmi cette communauté, j’ai trouvé des aficionados de La Mélancolie de Haruhi Suzmiya qui ne comprenaient pas qu’il ait été possible de suivre cet anime lors de sa diffusion sans saisir l’ampleur du Hare Hare Yukai. Il paraissait évident que nombre d’entre eux appréciaient ce titre moins pour lui-même, pour ses qualités intrinsèques, que pour ce qu’il avait réussi à générer.
J’ai observé le même phénomène autour de My Little Pony : Friendship is Magic. Je connais de nombreux passionnés de cette série, mais dans le lot, beaucoup me donnent l’impression de ne plus l’apprécier que pour sa communauté et son ambiance, et pour sa production amateur. Il s’agit d’une attitude que j’ai du mal à comprendre : je considère que le plus important dans une oeuvre, c’est l’oeuvre elle-même (et ce que nous pouvons en retirer), plus que de savoir si elle va pousser une dizaine de personnes déguisées à se filmer en train de danser dans la rue.
Tout cela pour dire que je juge chaque titre uniquement pour ce qu’il vaut – du moins, j’essaye – et que dans le cas de La Mélancolie de Haruhi Suzumiya, je n’avais de toute façon pas le choix puisqu’il aurait fallu que je fasse des recherches sur le sujet pour connaitre son impact auprès des spectateurs. Contrairement à ce que des aficionados de cette série peuvent penser, il s’agissait alors d’un phénomène très localisé, et il fallait déjà être en contact de certains cercles précis pour en avoir conscience. Or, ce n’était pas mon cas.
Mon visionnage de La Mélancolie de Haruhi Suzumiya a eu lieu en deux temps. Lorsque j’ai regardé le premier épisode, j’ignorais que ceux-ci ne se trouvaient pas dans l’ordre chronologique, et qu’il ne s’agissait que d’un film amateur tourné par les personnages. Je m’en foutais un peu : cela n’a tout simplement pas réussi à m’accrocher, et je suis passé à autre chose. Ce n’est que plus tard, constatant un engouement chez mes petits camarades, que j’ai décidé de lui redonner sa chance. Concrètement, j’ai enchaîné les 14 épisodes – je ne parlerai pas ici d’une seconde saison que je n’ai jamais pu regarder en entier – en une nuit avec un pote.
Avec tout ça, je m’aperçois que j’ai manqué à tous mes devoirs, à commencer par le plus élémentaire : expliquer de quoi ça parle ! Car oui, à partir du moment où tu évoques un anime de 10 ans ou plus, même s’il a cartonné, il convient de ne pas oublier que de plus en plus de lecteurs ne l’ont sans doute pas vu.
Premier jour du lycée. Kyon, un garçon pour le moins sceptique, limite cynique, qui a depuis longtemps appris les vertues de la normalité et n’aspire qu’à un quotidien sans histoire, se retrouve confronté à sa nouvelle voisine de classe : Haruhi Suzumiya, boule d’excentricité sur patte, qui déclare le plus tranquillement du monde que les humains ne l’intéressent pas, mais qu’elle serait ravie de rencontrer des extra-terrestres, visiteurs du futur, et autres individus dotés de pouvoirs spéciaux. Dès lors, Kyon peut dire adieu à sa tranquillité. D’autant quand elle décide de créer un club dédié à ses passions, et y entraine de force Kyon, ainsi que Yuki, seule membre rescapée du club dont elle a usurpé le local, Mikuru, dont les formes généreuses doivent permettre d’attirer l’attention sur le club, et enfin Ituski, « mystérieux » élève transféré en cours d’année.
Je refuse d’en dire plus, pour laisser la surprise aux futurs spectateurs. Sachez juste que surprises il y aura ! Car oui, si nous nous en tenons au résumé, il ne s’agit que d’une sempiternelle histoire de club scolaire comme il en pullule chaque saison. Sauf que non, justement. Au-delà de pouvoir apparaître comme un détournement du genre – ou des genres, puisque la série navigue aussi du côté du sport ou des enquêtes policières – elle propose un scénario bien plus élaboré et surprenant. Là-dessus, il faudra me faire confiance.
Ceci étant dit, la série repose sur plusieurs particularités. La principale, celle qui saute aux yeux, c’est l’ordre des épisodes. Il existe deux versions : l’ordre chronologique, et l’ordre de diffusion. Je ne saurais que trop vous conseiller de préférer ce-dernier. En effet, je viens de revoir la série – pour écrire cet article et célébrer les 10 ans – utilisant l’ordre chronologique proposé sur les DVD de Kaze. Or, force est de constater que La Mélancolie de Haruhi Suzumiya fonctionne moins bien sous cette version, pour plusieurs raisons.
L’ordre de diffusion demande plus d’investissement de la part du spectateur, et cet investissement fait que celui-ci doit se sentir plus concerné par l’histoire. Il se crée un véritable jeu de piste, des personnages apparaissant ou disparaissant au gré des épisodes, et des références étant faites à des événements passés mais que nous avons encore à découvrir, ce qui nous oblige à nous poser de nombreuses questions, à échafauder des théories, et ainsi de suite. Surtout, l’ordre chronologique répond bien plus vite aux interrogations de Kyon, avatar du spectateur, et l’histoire atteint son sommet à l’épisode 7, ce qui rend la seconde moitié moins satisfaisante malgré sa qualité. Là où l’ordre de diffusion est justement plus satisfaisant, disséminant ses indices, apportant des réponses à un rythme plus agréable. Forcément, il est déconcertant, d’autant qu’il commence avec un épisode tout sauf accrocheur et conçu comme tel, qu’il vous faudra surmonter. Mais j’ai trouvé que nous nous y faisions très vite. Si vous avez déjà vu Baccano, qui lui proposait carrément ses scènes dans le désordre, alors cet anime ne vous posera aucun problème.
La Mélancolie de Haruhi Suzumiya joue sur plusieurs registres. Ou, du moins, elle part de la comédie scolaire (dynamique) et de l’humour, pour toucher plusieurs genres à travers la parodie. Mais de mon point de vue, le plus important reste avant tout l’humour. Et outre un scénario beaucoup plus fin qu’il ne le laisse supposer au premier abord, il s’agit de la principale qualité de la série. Humour qui repose en grande partie sur sa galerie de protagonistes.
Haruhi est une héroïne aussi attachante qu’elle peut être insupportable ; inconsciemment, elle considère que le monde gravite autour d’elle, et perçoit peu l’existence de ses semblables. Concrètement, cela signifie qu’elle peut se changer devant ses condisciples de sexe masculin, tout simplement car elle s’en fout ; ils pourraient être des statues, cela ne changerait rien pour elle. Autre exemple, elle ne montrera aucun scrupule à utiliser les atouts charme de Mikuru pour promouvoir son club, alors que l’intéressée est très prude et rougit pour un rien. Haruhi est excentrique, égoïste, sans-gène, manipulatrice, mais surtout : elle s’ennuie terriblement. D’où le titre de la série. Pour tromper son ennui, elle pourra aller loin dans son délire, pour notre plus grand plaisir.
Kyon, quant à lui, se considère comme un garçon banal, mais le simple fait qu’il soit capable d’entretenir une relation, fut-elle amicale, avec Haruhi, prouve qu’il ne l’est peut-être pas tant que ça. Il fut un temps où il se passionnait lui-aussi pour le paranormal, tout en sachant que cela n’existait pas, et a fini par embrasser une normalité dont il ne veut surtout pas se séparer, à l’inverse d’une Haruhi qui rejette la normalité avec force. Chose qui m’avait un peu échappé lors de mon premier visionnage : comme tout bon adolescent, il a les hormones en feu, à tel point qu’il accepte sans trop broncher le sort que réserve régulièrement Haruhi à Mikuru.
Mikuru, justement, est une élève aux formes rebondies, d’un an plus âgée que les autres membres du club, et cible privilégiée d’une Haruhi qui adore lui imposer des costumes outranciers et se servir d’elle comme mascotte. Evidemment, sans le consentement de l’intéressée. Pourquoi accepte-t-elle de subir tout ça ? Surprise.
Yuki, autre élève impliquée de force dans ce petit manège, semble ne pas se plaindre de cette situation. Tant qu’elle peut continuer à lire, elle se moque bien de ce qui peut se passer autour d’elle. Distante, silencieuse, elle rappelle un peu Rei Ayanami dans son manque apparemment total d’expressions voire de sentiments.
Enfin, Itsuki – notre « mystérieux » élève transféré en cours d’année, ce que Haruhi trouve bizarre au point de l’engager dans son club – est un garçon enjoué et rieur qui semble prendre ce grand bordel avec détachement et bonne humeur.
Dans un premier temps, une fois passé le premier épisode, c’est la structure de la série qui m’a interpellé. Structure qui, pour les raisons évoquées tantôt, se justifie d’elle-même, d’autant qu’elle permet de jongler entre les genres traités. Puis, l’humour a pris le dessus, avant que le scénario ne m’attrape définitivement, en grande partie parce que je ne m’y attendais absolument pas. Jouer avec les attentes, ménager ses effets, proposer un scénario élaboré, des personnages attrayants, et une bonne dose d’humour, ce sont certainement là les forces de La Mélancolie de Haruhi Suzumiya. A l’époque, même si j’avoue volontiers avoir eu du mal à passer l’entame, j’avais adoré le résultat final, considérant l’anime comme un des meilleurs du cru 2006. Cru assez faible, en vérité, mais j’ai réellement apprécié cette série, et rétrospectivement, elle m’a laissé un souvenir très positif, qui s’est même bonifié avec le temps. Contrairement à d’autres titres qui peuvent me plaire sur l’instant mais avoir un impact plus ténu sur le long terme, La Mélancolie de Haruhi Suzumiya m’a laissé une impression durable, et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai tenu à le revoir à l’occasion de son anniversaire. C’est aussi ce qui me permet, aujourd’hui, de la recommander à tout spectateur que les vieux anime – et oui les mecs : 10 ans, pour un anime, c’est vieux – ne rebutent pas. A condition de s’en tenir à l’ordre de diffusion d’origine, vous l’aurez compris.
La Mélancolie de Haruhi Suzumiya, c’était cool, c’est toujours cool, mangez-en. Mais n’en attendez pas non plus plus que la série a à vous offrir.
En effet, pour finir, nous allons parler d’un sujet qui fâche (et justifie l’intitulé de cet article) : que reste-t-il de la série, 10 ans après sa diffusion ?
Parce que oui, La Mélancolie de Haruhi Suzumiya fût un énorme succès, générant une communauté de fans, des productions amateurs, et divers phénomènes plus spécifiques, comme ces vidéos de personnes dansant le Hare Hare Yukai. Dans un sens, le fait que j’en parle 10 ans après sa sortie, à une époque où un titre en chasse un autre et où la mémoire collective n’a de place que pour la prochaine campagne de communication agressive de Walt Disney ou de Warner Bros, tendrait à prouver qu’elle a effectivement réussi à laisser une trace dans le temps. Mais primo, je parle aussi de titres bien plus anciens sur ce blog, secundo, c’est surtout l’impact de la série auprès du public qui me pousse aujourd’hui à en discuter, et tertio, je me sens un peu seul dans ma démarche.
Pour vous donner une idée de l’ampleur de cet anime, un débat avait eu lieu pour savoir s’il s’agissait du 4ème Impact de l’Animation Japonaise. Ces Impacts ont été définis en 1997 par le magazine spécialisé Animage, et ont couronné trois productions considérées comme ayant profondément bouleversée l’industrie, de par leurs innovations thématiques et narratives, et par leur impact – justement – auprès à la fois du public et des professionnels. Considérer La Mélancolie de Haruhi Suzumiya comme un « 4ème Impact » revenait donc à la placer au même niveau que Uchû Senkan Yamato, le Gundam original, et Neon Genesis Evangelion. Cela me paraissait déjà disproportionné à l’époque, et avec le recul, cela semble encore plus évident. A tel point que j’ai même du mal à saisir quels éléments de la série justifiaient un tel qualificatif, au-delà de l’engouement qu’elle a su générer auprès de nombreux spectateurs.
Car quelles spécificités étaient véritablement originales, et auraient pu avoir une influence durable ? Les séries consacrées à un club scolaire existaient déjà, même si leur nombre a effectivement explosé à la même période, sans doute avant tout car l’industrie se destinait de plus en plus à un public de niche friand du genre. Les manga et l’animation n’ont pas attendu cet anime en particulier pour traiter de parodie, voire pour prendre du recul sur eux-mêmes ou pour intégrer des éléments post-modernes. Rien que Utena, la Fillette Révolutionnaire était déjà passée par là près de 10 ans auparavant ; la seule différence, c’est qu’internet n’était pas encore démocratisé, et avec lui les phénomènes de masse qu’il peut engendrer.
Pour moi, La Mélancolie de Haruhi Suzumiya est avant tout une série d’animation de qualité avec d’excellents personnages, et ce serait vraiment se prendre la tête que d’y voir autre chose. Donc regardez-là, redécouvrez-là, et j’espère sincèrement que vous passerez un aussi bon moment que moi la première fois.
J’ai regardé la série sur le tard une fois la S2 passée etc. A l’époque de la sortie de cet anime, j’avais des amis qui y faisait régulièrement référence et à ce moment là je ne comprenais pas trop les blagues ou les tirades du genre « notre déesse à tous! ». Ils ne m’ont jamais spoilé la série, ni saoulé avec donc j’y ai échappé d’une certaine façon, mais pas trop au phénomène autour sur l’internet, bien que je n’avais pas les clés pour comprendre.
J’ai préféré attendre pour voir la série et regarder ça sereinement. J’ai regardé dans l’ordre de diffusion et ça ne m’a pas gêné. A vrai dire le 1er épisode, que je n’ai pas trouvé spécialement pénible, résumait déjà tout donc le reste n’était pas une grosse surprise. Avec le recul ça me fait penser un peu à Shin sekai Yori, où toutes les informations sont balancées dès le départ mais dont on ne les comprends que petit à petit.
Dans l’ensemble j’ai passé un bon moment, c’était une série sympa mais ça ne m’a pas marqué plus que ça. Et certains épisodes (le jeu cluedo IRL) m’avait semblé très creux. J’ai compris l’engouement autour et ce qu’on pouvait apprécier mais de là à la diviniser….je me demande si internet à pas fait effet boule de neige et caisse de résonance sur le phénomène ?
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Tama >> Clairement, il s’agit pour moi aussi d’un phénomène rendu possible par internet, les nombreuses discussions entre amateurs de la série, et le côté viral des vidéos produites autour – nous en étions au moment de l’explosion de Youtube.
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