Qu’est-ce qu’un assistant de mangaka ?

Toujours dans ma série d’articles sur « le manga pour les nuls« . Au programme aujourd’hui : qu’est-ce qu’un assistant de mangaka ?

Au Japon, contrairement à la France, la majorité des manga sont dans un premier temps pré-publiés dans des magazines dédiés, les mangashi, à raison d’un chapitre par numéro. Ces magazines peuvent être hebdomadaires, bimensuels, mensuels, bimestriels, etc… Dans le cas du Weekly Shōnen Jump, le mangashi le plus vendu au Japon, un auteur doit fournir 19 pages par semaine à son éditeur. A noter qu’il arrive à des mangaka de publier plus d’un titre à la fois.
Pour tenir ces délais, la plupart ont recours à des assistants, dont le nombre et le temps de présence à leur côté peuvent varier d’un artiste à l’autre, selon le rythme de publication qu’il doivent tenir ainsi que de la quantité de pages qu’ils doivent produire.

Il existe deux grandes catégories d’assistants : les professionnels et les non-professionnels.
En effet, contrairement à ce que nous pourrions penser, les assistants ne sont pas une courtoisie des éditeurs, même si ceux-ci peuvent intervenir dans leur recrutement. C’est au mangaka de les financer, et tous n’en auront pas les moyens, ou tout simplement n’en auront pas un besoin suffisant pour justifier leurs services.
Pour compenser, certains n’hésitent pas à faire appel à leurs proches. Ainsi, Mihona Fujii nous expliquait dans les pages de sa série Gals! que sa seule assistante était sa propre mère. Dans le manga Otomen, un des protagonistes emploie ses sœurs pour l’aider à finaliser ses planches.
Il existe aussi le cas, assez rare, de couples de mangaka, qui vont s’aider mutuellement selon les périodes ; citons notamment Leiji Matsumoto (Ginga Tetsudo 999) / Miyako Maki (Genji Monogatari), et Naoko Takeuchi (Sailor Moon) / Yoshihiro Togashi (Hunter x Hunter).

Parmi les assistants professionnels, nous trouvons de nouveau deux catégories : les aspirants mangaka, et les spécialistes de l’assistanat.
Il n’est pas rare que, avant de publier leurs propres séries, les auteurs passent par l’assistanat pour apprendre les rudiments du métier. Dans ces cas-là, il est souvent question de relation maitre/élève entre le mangaka et son assistant ; il devient ainsi possible d’effectuer de véritables filiations entre les artistes.
Aujourd’hui, un des cas les plus célèbres concerne Takehiko Inoue, l’auteur de Slam Dunk, qui fût l’assistant de Tsukasa Hôjo. Ce-dernier, fier de la réussite de son ancien collaborateur, n’hésitera pas à inclure quelques mots à son égard dans la réédition de City Hunter, allant jusqu’à indiquer quelles cases furent spécifiquement dessinées par celui-ci.
Mais l’histoire la plus emblématique reste celle de Tokiwasô, ou « la villa Tokiwa », endroit dans lequel Osamu Tezuka cohabitait avec plusieurs mangaka en devenir, qui lui tenaient lieu d’assistants sur les recommandations de son éditeur ; l’auteur n’arrivant plus à mener de front toutes ses séries en cours de publication. De ce vivier de jeunes talents, nous retiendrons Shôtaro Ishinomori (Cyborg 009), Fujio Akatsuka (Himitsu no Akko-chan), Fujiko Fujio (Doraemon), ou Yoshiharu Tsuge (Munô no Hito). Cela ne dura que deux ans, entre 1953 et 1955, mais demeure une anecdote connue dans l’histoire du manga.
Buichi Terasawa (Space Adventure Cobra) et Leiji Matsumoto assistèrent eux-aussi Osamu Tezuka, mais en dehors de Tokiwasô.

Les assistants spécialisés peuvent être des mangaka qui n’ont pas réussi à percer, ou des individus qui auront choisi cette voie plutôt qu’une autre. Certains réalisent une carrière reconnue dans ce domaine, au point d’être recherchés par les auteurs ; ce qui bien entendu aura une influence sur les tarifs qu’ils pourront afficher.
Akira Hio, connu en France pour sa version de Uchû Senkan Yamato publiée chez Clair de Lune, fût un mangaka spécialisé dans les adaptations d’anime pour le format papier, mais aussi et dans le même temps un assistant prisé pour ses compétences en mecha design, employé par les mangaka qui voulaient – par exemple – publier une histoire de science-fiction, mais dont ce domaine n’était pas la spécialité. Se faisant, nous le retrouvons notamment aux côtés de Keiko Takemiya sur l’écriture de Terra e…
Son cas résume bien la diversité des travaux qui peuvent être demandés aux assistants : selon les exigences du mangaka, ils peuvent s’occuper du tramage, du lettrage, de l’encrage, de redessiner les contours, d’ajouter les décors, voire de remplir des cases entières ; viennent ensuite des tâches plus spécialisées, parfois étonnantes, dont le mecha design. Ainsi, sur Saint Seiya, le rôle de Shôji Nakada, un des assistants de Masami Kurumada, consistait essentiellement à dessiner les armures.

Tous les mangaka n’auront pas le même recours aux assistants. Certains, comme Masakazu Katsura (Zetman), ont décidé de créer de véritables studios de travail autour d’eux, à l’instar de son Studio K2R, qui se trouve aujourd’hui crédité sur la couverture de certaines de ses séries. D’autres n’y font appel qu’en période de coup de feu ou quelques jours avant leur date de rendu, une technique qui concerne avant tout ceux publiant dans des magazines mensuels.
Selon le moment ou l’auteur – tous n’adoptant pas les mêmes méthodes de travail – le nombre d’assistants peut donc varier du simple au double. Toujours sur Saint Seiya, Masami Kurumada recourait aux services de 7 personnes (sans compter son responsable éditorial), lui se focalisant sur le scénario et les visages de ses personnages ; mais un tel nombre reste rare, en raison des coûts engendrés.
Enfin, tous n’auront pas les mêmes rapports avec leurs assistants. Les mangaka de shôjo ayant coutume de raconter leur quotidien ou des anecdotes en guise de bonus, elles évoquent souvent leur environnement de travail, et avec lui leurs collaborateurs. Une des particularités de Naruto, dans ses premiers arcs, tient dans l’espace d’expression que l’auteur laissait à ses assistants. Certains mangaka vont créditer leurs employés, tandis que d’autres se limiteront à leur studio ; mais bien souvent, ils n’en font pas mention, même quand nous nous doutons bien de leur présence.

Pour finir, impossible de ne pas évoquer l’exception par excellence : les CLAMP. A l’origine cercle amateur composé d’une dizaine d’étudiantes, elles ne sont plus que 7 lorsqu’elles écrivent RG Veda, leur premier succès professionnel, avant de former le groupe réduit à 4 personnes que nous connaissons actuellement. Chacune tenant un rôle précis : Nanase Ôkawa s’occupe généralement du scénario, Mokona est la dessinatrice principale, Tsubaki Nekoi se charge des dessins à vocation comique et de la direction artistique, et Satsuki Igarashi se focalise sur les trames et la conception des livres. Nous pourrions donc les voir comme un rassemblement d’assistantes, dépendantes les unes des autres ; et c’est justement car certaines se sont affirmé dans des postes-clés au détriment des autres que, alors qu’elles étaient déjà professionnelles, plusieurs ont quitté le groupe.
Un système qui fonctionne, puisqu’elles furent pendant un temps les mangaka les plus prolifiques et les plus rentables.

Cet article, publié dans Manga, est tagué , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

11 commentaires pour Qu’est-ce qu’un assistant de mangaka ?

  1. Marle dit :

    Super intéressant, même pour le non néophyte.

    J’aime

  2. ZGMF Balmung dit :

    Une belle série de billets que tu écris là.
    Celui-ci est particulièrement intéressant à lire !

    J’aime

  3. Gemini dit :

    Merci à tous les deux ^^

    J’aime

  4. Faust dit :

    Il me semble aussi qu’un mangaka reconnu peut devenir l’assistant d’une personne moins réputée non ? Parce que dans le lien que tu a donné, je vois que Nobuhiro Watsuki (Kenshin) a été l’assistant de Takeshi Obata sur Bakuman. Hors Bakuman a été publié bien après Kenshin…ou alors je ne sais pas lire un tableau…

    J’aime

    • Gemini dit :

      Takeshi Obata est professionnel depuis 1985, et Nobuhiro Watsuki a été son assistant jusqu’en 1993, commençant la publicaiton de Kenshin le Vagabond l’année suivante.
      Après, c’est vrai que Takeshi Obata n’est devenu un auteur à (grand) succès que plus tard, après son ancien assistant, donc la confusion n’est pas étonnante. Il arrive d’ailleurs fréquemment qu’un assistant devienne bien plus reconnu que son ancien responsable.

      J’aime

  5. louayo dit :

    svp comment s apelle le manga dans les images??!

    J’aime

  6. Ismael Jean-Baptiste dit :

    Mais au faite si les assistants sont si importants, pourquoi leur nom n’apparaissent pas sur les manga, comme le nom des auteurs ou bien comme pour les comics ( quand chaque personne à un rôle)?

    J’aime

    • Gemini dit :

      Le fait est qu’ils apparaissent dans certains manga, pas tous. Après je suppose que cela dépend de l’auteur ou de la politique de l’éditeur. Leur rôle est important mais je doute qu’il soit aussi spécifique qu’un coloriste ou un lettreur sur un comics ; il s’agira plus de noircir les cases, ajouter des trames, et ainsi de suite, selon les spécialités et la disponibilité de chacun. Le but est avant tout de permettre à l’auteur de gagner du temps.

      J’aime

  7. Ping : Sept - Restez Curieux !

Répondre à Gemini Annuler la réponse.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.