Wingman, le plus grand des héros

Wingman vient enfin de s’achever, après une première édition incomplète, grâce aux éditions Tonkam. C’est donc le moment de revenir sur la série qui a lancé la carrière de Masakazu Katsura.

« Je déteste Masakazu Katsura. » Cette petite phrase toute faite, je la répète régulièrement. C’est pourtant un paradoxe, car alors que j’étais sur le point de commander mon premier manga chez Tonkam, j’ai longuement hésité entre X de CLAMP et son I’’s. Car à l’époque, j’avais envie de découvrir les manga de Masakazu Katsura, partant de l’excellente impression que m’avait laissé dans ma jeunesse l’anime de Wingman, son premier succès. Heureusement, j’ai fait le bon choix ; et c’est seulement le jour où un de mes amis me prêtera ses propres tomes que je m’apercevrai que ce que fait Masakazu Katsura, c’est quand même sacrément de la merde. J’ai supporté Video Girl Aï, par contre j’ai trouvé DNA² à vomir et je me suis arrêté au troisième volume de I’’s. Quant à Zetman, c’est carrément glauque.
Entretemps, j’ai eu l’occasion de revoir l’anime de Wingman, qui a confirmé la bonne impression que j’en avais gardé. A partir de là, deux possibilités : soit l’adaptation a amélioré l’histoire d’origine – même réalisateur que Goldorak, signe de qualité – soit c’est en s’engageant ensuite sur la voie de la comédie romantique que le mangaka s’est perdu. Il fallait que j’en ai le cœur net ! Seulement, ce manga n’existait alors qu’en une édition incomplète datant de l’époque de Manga Player ; la rumeur a couru que Pika disposait de la licence, comme pour les autres titres de leur ancien catalogue, mais dans l’immédiat il m’était impossible de lire cette série. Jusqu’au jour où Tonkam a annoncé une réédition.
Masakazu Katsura ou non, il fallait que j’achète ce manga !

Kenta Hirono rêve de devenir un super-héros. Ce serait un enfant, ce genre de fantaisie passerait sans problème ; mais à son âge, cela ne fait pas sérieux. Pourtant, lui y croit dur comme fer ; il s’est d’ailleurs confectionné un costume, et a créé son personnage : Wingman. Là où l’injustice sévit, Wingman – le Bras de la Justice – apparaît ! Attendris par le sens de la justice de cet adolescent, et surtout amusés par le comportement de ce doux rêveur, ses parents et ses professeurs le laissent faire, et tous rentrent dans son jeu.
Un jour, alors qu’il revenait de l’école, une fille lui tombe sur la tête ; elle est habillée légèrement, et est inconsciente. Comme il ne sait pas du tout quoi faire dans une telle situation, son cœur de héros lui dicte de la ramener chez elle ; sauf qu’elle n’a aucun papier indiquant son nom ou son adresse, et en sa possession qu’un cahier aux pages blanches. N’écoutant que son courage, il la porte jusqu’à chez lui, dans sa chambre, et la pose sur son lit en attendant son réveil. Pour égayer son attente, il fait comme tous les adolescents qui auraient une fille en sous-vêtements sur leur lit : il décide de mettre au point son nouveau costume, en commençant par faire quelques croquis sur le cahier de la jeune fille. A peine a-t-il fini qu’il se transforme en Wingman ! Réveillée, Aoi Yume ne tarde pas à comprendre la situation, et explique tout à Kenta : elle vient d’une autre dimension, mais le trône de son père – le roi – a été usurpé par le démoniaque Rimel ; craignant que la puissance du Livre des Rêves – grâce auquel les rêves deviennent réalité – ne tombe entre les mains du tyran, elle s’enfuit et atterrit dans notre dimension.
En écrivant sans le savoir dans le Livre des Rêves, Kenta a pu devenir Wingman ; et ses nouveaux pouvoirs ne seront pas de trop pour lutter contre les armées de Rimel, bien décidé à récupérer le Livre. Seulement, malgré ses pouvoirs, Kenta n’est pas encore un super héros.

Wingman est un héros d’un genre nouveau, même pour l’époque ; nous pourrions le rapprocher du second Nite Owl, du comics Watchmen. En effet, ce n’est pas tant que Kenta a un sens exacerbé de la Justice, mais plutôt son immaturité et son admiration pour les Sharivan et autres Gavan qui le pousse à se prendre pour un héros. Malheureusement pour lui, il va vite se rendre compte qu’avec de vrais pouvoirs et face à de véritables ennemis, ce n’est pas franchement marrant tous les jours. Non seulement ses nouvelles activités vont avoir un impact certain sur sa vie privée, mais en plus, il va rapidement comprendre qu’il joue sa vie à chaque combat, ce à quoi il n’était absolument pas préparé.
Heureusement pour lui, Wingman a des alliés, ou plutôt des alliées. A commencer par Aoi, fille d’une autre dimension dotée d’étonnantes facultés, qui va s’incruster chez Kenta en se faisant passer pour sa cousine. Ce qui va compliquer les relations de ce-dernier avec Miku, les deux collégiens se vouant un amour aussi partagé qu’inavoué.
La future dérive de l’auteur vers la comédie romantique se ressent dès son premier manga, puisque nous pouvons presque considérer Wingman comme le précurseur de la série harem, le héros étant entouré de jolies filles toutes plus ou moins amoureuses de lui. Ce n’est pas son seul propos, sinon ce serait rapidement lassant ; toutefois, la relation triangulaire entre Kenta, Miku, et Aoi n’est pas dénuée d’intérêt.

Wingman est avant tout une comédie d’action. Kenta étant un personnage un peu gauche, et étant surtout considéré par son entourage comme un doux rêveur qui se prend pour un héros – puisque personne ne serait prêt à croire qu’il puisse effectivement avoir des super pouvoirs – il a tendance à attirer les gags, y compris pendant les combats. Cela ne signifie pas que tous ses affrontements seront réglés par un coup de chance, mais cela lui arrive, notamment au début ; puis, avec le temps et l’expérience, c’est bien grâce à ses aptitudes qu’il vaincra ses adversaires.
Mais le gros du potentiel comique de ce titre vient d’une forme d’humour typique des années 80, que j’appellerais la comédie culotte. En effet, l’auteur aime déshabiller ses héroïnes et les mettre dans des situations embarrassantes, ou téléporter Kenta dans le vestiaire des filles pendant qu’elles se changent. Toutefois, à la différence des séries ecchi contemporaines, le but est moins nous montrer des sous-vêtements que de nous faire rire au détriment des personnages ; Aoi obligée de se partir en courant car elle vient de se prendre un coup de rayon dévoreur de sous-vêtements (sachant qu’elle se ballade à moitié à poil la plupart du temps), Kenta qui reçoit une baffe monumentale suite à un énième quiproquo, ce genre de choses.
Il s’agit donc d’un humour old school et résolument bon enfant, dont il existe finalement peu de représentants en France. Dr Slump – manga dans lequel le mangaka fait justement quelques apparitions – le début de Dragon Ball, L’Académie des Ninjas,… Nous n’allons pas aller très loin avec ça. Manque de chance, c’est un humour dont je suis particulièrement client.

Évidemment, ce style passé de mode fait de Wingman un dinosaure, et c’est d’autant plus valable dans un marché français qui semble ne s’intéresser qu’à la nouveauté, fut-elle médiocre ou calquée sur le dernier succès du moment. Nous parlons de la première série d’un mangaka populaire, elle a eu droit à une adaptation animée diffusée à la grande époque du Club Dorothée et de La Cinq, et il aura pourtant fallu attendre 2013 pour l’avoir en entier. Autant dire que pour Gu Gu Ganmo et La Petite Olympe, je crois que je peux me gratter…
Pourtant, Wingman est indubitablement un des meilleurs manga que j’ai pu lire dernièrement ; alors que, compte-tenu de mon appréhension, ce n’était pas gagné. J’ai trouvé dans cette série un humour décalé et efficace, des personnages eux-mêmes décalés, quelques beaux sentiments, et de l’action à foison. C’est comme cela que je conçois un bon divertissement.
A un moment, j’ai pu croire que cette série allait durer trop longtemps, offrant de nouveaux enjeux à la suite de l’histoire principale, mais je n’ai finalement rien à reprocher à cette partie, tant elle s’achève par un combat grandiose et quelques scènes des plus poignantes, d’une qualité que je n’aurais pas imaginé de la part du futur auteur de I’’s.
Wingman est donc un manga que je conseille à tous ! Le dessin n’a pas spécialement vieilli, même si nous sentons en lui l’esprit de l’époque. Surtout, il s’agit d’un titre à la fois drôle, palpitant, et parfaitement distrayant. Un monument du shônen qu’il serait dommage de bouder en raison de son âge.
Vive Wingman, vive les années 80, et vive les culottes !

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2 commentaires pour Wingman, le plus grand des héros

  1. a-yin dit :

    Je pense tenter de le lire, ne serait-ce qu’en l’empruntant, vu qu’on apprécie peu cet auteur. Contrairement à toi, j’aime bien DNA² 😉 et j’aimais le début de Zetman (2 volumes? après je trouvais que ça se prenait grave au sérieux, et puis tout ce racolage quoi …). Je ne voyais pas Wingman comme une série d’action en fait. La couverture du volume 5 évoque les séries plus tard 🙂 c’est vraiment une couverture à la Katsura.
    Je ne suis pas très culottes, mais je comprends ce que tu veux dire par le vieil humour. Un humour bon enfant en fait, un peu idiot, jamais méchant. Je trouve qu’on a beaucoup perdu ce caractère dans les manga plus récents. Il y avait toujours une scène à la con qui désamorçait les situations sérieuses, même UNE FOIS dans Gunnm, et dieu sait combien ce manga est sérieux. Aujourd’hui, l’humour est surtout dans les clins d’oeil, dans les références (et les clichés), ou et surtout, l’humour cochon n’est plus absurde, mais tout en sous-entendus. C’est encore plus vrai pour ce qui est fan service pour fujoshi d’ailleurs (et je me demande si CLAMP n’y a pas été pour BEAUCOUP).

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    • Gemini dit :

      Je trouve que la couverture 3 symbolise mieux la carrière du mangaka. Sauf que Miku ne pète pas lorsqu’elle est stressée, elle !
      Tu résumes parfaitement le type d’humour de Wingman : la culotte est ici plus synonyme de puérilité, de situations embarrassantes, et ce n’est strictement jamais méchant. Ce n’est pas de la culotte juste pour le sous-entendu ou la libido, car ce manga s’adressait en premier lieu à un jeune public. C’est une forme d’humour qui s’est perdu depuis les années 80, et c’est dommage.
      J’espère que Wingman te plaira.

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