Plus de 10 ans passés dans les boutiques « anime & manga »

En lisant cet article de Jevanni sur la fermeture d’une boutique importante dans son histoire de lecteur, j’ai eu envie de revenir à mon tour sur les lieux qui ont marqué mon propre parcours.

Comme, je le suppose, la majorité des passionnés de culture moderne japonaise, je possède des endroits qui, plus que d’autres, m’ont marqué lors de mon dur cheminement. En raison de mes études, j’ai déménagé à plusieurs reprises, m’obligeant à chaque fois à chercher ces petits coins de paradis où trouver de quoi me sustenter ; sans parler du jeu hélas! bien réel des ouvertures et des faillites.
Avant que le manga n’entre dans mon existence, outre les BD et comics, les jeux-vidéo accaparaient la majeure partie de mon temps libre ; pendant environ 10 ans, j’y ai consacré en moyenne plus de 3h par jour. Autant dire que j’ai eu l’occasion à l’époque, pour alimenter cette passion, de fréquenter tous les magasins spécialisés en jeux-vidéo de Saint-Étienne. Ils ont tous fermé depuis… J’avais une préférence affichée pour Cyber Space, petite boutique conviviale avec un choix plus que conséquent, dans laquelle je ne manquais jamais d’aller en sortant du cabinet d’orthodontie que je fréquentais malgré moi. Outre les jeux-vidéo, il disposait d’un autre atout qui s’est révélé en 1999, lorsque j’ai commencé à m’intéresser de plus près aux animes : il en vendait ! Des VHS en coffrets ou unitaires, pour être précis. Si vous n’avez jamais vu un de ces coffrets, imaginez une boite en carton contenant parfois jusqu’à 10 VHS ; d’authentiques monstres. C’est là que j’ai acheté mes Saint Seiya, mes Neon Genesis Evangelion, mes OAV de Ranma 1/2, mon premier DVD d’animation – Death & Rebirth / The End of Evangelion – et même mes Silent Möbius. Cette boutique était un véritable luxe : les animes n’étaient pas encore très répandus dans le commerce, et la seule autre solution pour s’en procurer (légalement) consistait à passer commande via le catalogue Manga-Distribution.
C’est là que j’ai pu effectuer mon stage en entreprise de 1ère. L’occasion de passer plus de temps avec Matthias, le patron, et la petite communauté utilisant le magasin comme point de chute. Étonnamment, ils s’intéressaient pour la plupart bien plus à la composante « animation » de Cyber Space qu’à celle « jeux-vidéo » ; des passionnés comme je n’en ai que très rarement rencontré, et d’authentiques « vieux de la vieille » – du haut de mes 16 ans, je passais vraiment pour un gamin – accumulant pièces rarissimes, anime d’import, et intégrale de Goldorak enregistrée à l’époque de sa diffusion sur TF1. Parler avec de tels experts, alors qu’internet se démocratisait à peine, c’était inestimable.
La fin de l’histoire, vous la connaissez : Cyber Space a fini par fermer ses portes. D’après ce que j’en ai entendu, le patron aurait eu une proposition intéressante pour reprendre les murs, et aurait accepté avant de faire faillite. Je l’ai retrouvé quelques temps plus tard, au milieu d’autres anciens propriétaires ou gérants de magasins similaires de Saint-Étienne : ils avaient tous été engagés comme vendeurs dans la dernière boutique jeux-vidéo/anime non franchisée de la ville, qui elle a effectivement fait faillite depuis.

Pour les manga, c’est une autre histoire. J’ai trouvé mes premiers volumes dans une petite librairie de quartier, qui proposait en tout et pour tout deux tomes de Saint Seiya perdus au fond d’un bac de BD franco-belges… Ensuite, j’ai acheté mes manga là où je le pouvais, dans une grande librairie « généraliste » de Saint-Étienne et dans une FNAC. Avec une préférence pour la librairie traditionnelle, d’une part car elle se situait plus proche (mais pas de beaucoup) de mon lycée, et d’autre part car les nouveaux volumes s’y trouvaient en rayon plus tôt que chez mon autre fournisseur de l’époque. Pour vous dire toute la vérité, nous allions régulièrement à la FNAC avec des amis, lors de notre pause de midi, pour « parasiter » le rayon manga… J’ai lu tout Captain Tsubasa de cette façon, World Youth compris.
Mon premier contact avec une librairie spécialisée dans le manga date de 2003 : l’Akira Store de Nice. Je faisais alors mes études à Sophia-Antipolis ; un ami de prépa, le seul et unique fan de manga policier que je connaisse, m’avait recommandé cette boutique, pour laquelle je devais passer 1h30 dans différents transports en commun rien que pour l’aller. Mais cela en valait la peine. Pour quelqu’un qui n’avait jusque-là connu que des rayons manga de taille modeste, cela a constitué un véritable choc. Au-delà du fait qu’elle proposait beaucoup plus de choix, elle possédait un atout dont les lecteurs actuels n’ont peut-être pas idée : Tonkam.
Tonkam est longtemps resté la preuve que le manga était un marché confidentiel. Cet éditeur proposait un catalogue dément – Angel Sanctuary, X, Hikaru no Go, Fushigi Yugi, L’Histoire des 3 Adolf, pour ne citer que ceux-là – mais introuvable dans les principaux circuits de distribution. Pour se procurer ces titres, il n’y a pendant longtemps eu que deux possibilités : la vente-par-correspondance, au moyen de prospectus trouvés dans les magazines type Animeland, et les boutiques spécialisés (les choses ont bien changé depuis). A ce titre, Akira Store, c’était juste la caverne d’Ali Baba pour moi. Je garde un assez bon souvenir de la boutique en elle-même et de ses vendeurs, même s’il faut bien avouer que j’évitais d’y aller plus de deux fois par mois, pour des raisons de temps mais aussi de budget.
Apparemment, la boutique existe toujours. Tant mieux.

Après un an passé dans le Sud, direction Lyon, où je suis resté 6 ans pour mes études et où je vis encore la moitié du temps. Comme il s’agit tout de même de la deuxième ville de France, il y a de quoi faire niveau boutique ; même si j’en ai vu quelques-unes disparaitre depuis mon arrivée, mais au moins une apparaitre.
Je ne me souviens plus vraiment de l’endroit sur lequel j’ai jeté mon dévolu en premier… Alors autant faire un petit tour d’horizon. A commencer par la boutique la plus étrange qui soit : City Game. Grand pourvoyeur de produits d’importation chinoise – je ne parle pas des gérants, mais bien des produits dérivés contrefaits – ils vendent aussi des manga, mais c’est le seul magasin que je connaisse où lesdits manga se trouvent derrière des vitrines fermées ; en entrant dans la partie « manga » séparée de la boutique principale, le vendeur lève vaguement un œil pendant que le client aventureux regarde ce qu’ils ont en stock, sans pouvoir feuilleter quoi que ce soit ; cela ne donne pas envie. Mais résultat : ils vendent tellement peu de bouquins que s’y découvrent encore des titres introuvables partout ailleurs. J’y ai déniché deux tomes de Family Compo – avec les prix affichés uniquement en francs ! – alors que le moindre volume se négociait des sommes folles sur internet ; c’est tout ce que j’ai jamais acheté chez eux, et je n’y étais rentré que pour voir s’ils n’auraient pas du Tsukasa Hojo sur leurs étagères.
Pendant un temps, j’ai fréquenter régulièrement la boutique de Glénat, qui malgré son nom ne vend pas que du Glénat mais de la BD au sens large. Je n’ai aucune opinion à son sujet, sinon que les vendeurs eux-mêmes sont plutôt calés dans leur domaine.
J’ai ensuite pris mes habitudes au BD Café, idéalement placé dans le centre lyonnais, proposant un choix irréprochable et une équipe agréable. J’aime beaucoup.
Dans un style un peu différent, L’Expérience ne donne pas forcément envie au lecteur curieux, puisqu’il s’agit d’une boutique située en sous-sol. Tout comme les deux précédents, ils font dans la BD au sens large avant de faire dans le manga, mais ils sont du genre à privilégier les éditeurs indépendants et les politiques d’auteur ; pour vous donner une idée, ils faisaient parti du jury du FIBD qui a attribué son prix à NonNonBâ. Ils ont un peu de manga, mais vous trouverez surtout du seinen sélectionné par l’équipe ou des titres édités chez Cornélius.
Pour les manga d’occasion, j’adore La Bourse, le spécialiste du livre d’occasion sur Lyon. Ils disposent d’énormément de titres, à des prix le plus souvent raisonnables, proposant parfois des forfaits pour des séries complètes. J’y trouve des manga introuvables en neuf, alors autant dire que je ne me gène pas ; leur stock recèle de nombreux trésors.
Enfin, pendant mes études, j’ai pu assister à l’ouverture de Momie Mangas, la principale boutique spécialisée manga de la ville (même si dernièrement les vendeurs proposent aussi leurs coups de cœur comics). Beaucoup de choix, deux vendeurs vraiment sympathiques, je n’ai rien à redire. Par contre, il est vrai que depuis quelques années, j’ai souvent d’autres BD à acheter en même temps que mes manga, donc j’ai tendance à délaisser ce magasin pour aller dans des librairies BD au sens large, en particulier le BD Café ; mais cela n’enlève rien aux qualités de Momie Mangas.

Entretemps, sur Saint-Étienne, j’ai pris mes habitudes dans deux autres librairies BD : L’Étrange Rendez-Vous et Des Bulles et des Hommes.
L’Étrange Rendez-Vous, j’avoue que le nom ressemble à celui d’un bar louche… Mais cela vient d’un album (raté) de Blake & Mortimer. La devanture et les horaires ne donnent pas vraiment envie, mais après des débuts très difficiles, elle semble s’être constituée une clientèle fidèle ; j’ai par le passé commandé à son propriétaire plusieurs séries complètes que je voulais acheter de toute façon, alors autant faire vivre le petit commerce. Il possède un rayon manga – neuf ou d’occasion – mais ce domaine-là, ce n’est pas franchement son truc. Lui, tout comme L’Expérience, fait plus dans la BD indépendante et confidentielle ; il fait aussi dans le « grand public », mais ressemble plus à une succursale du FIBD. Heureusement, il est le seul sur ce créneau dans le région, donc un incontournable pour les amateurs du genre. J’aime bien y aller, mais je n’y trouve pas toujours mon bonheur ; le patron est agréable, mais très bavard et souvent à la recherche d’une oreille compatissante. Il a quand même souvent l’air au bout du rouleau.
En parallèle, il y a Des Bulles et des Hommes, boutique tenue elle-aussi par des professionnels passionnés, mais plus lumineuse, et plus « grand public » ; ce qui ne les empêche certainement pas de mettre en avant leurs coups de cœur au milieu des valeurs sûres. Ils disposent d’un choix vaste à la fois en manga, BD, et comics ; alors certes cela semble parfois plus impersonnel qu’une petite boutique, mais au moins, je sais que j’y trouverai toujours ce que je recherche, même dans les petits tirages.

Maintenant, je passe aux choses sérieuses. J’ai deux boutiques spécialisées que j’apprécie par dessus tout, et je les ai toutes les deux découvertes récemment, toujours dans le cadre de mes déménagements pour mes études.
Pendant 6 mois, j’ai vécu à Lille. Dans un quartier très populaire, mais dans lequel j’ai fini par prendre mes aises. Je ne regrette toutefois pas d’avoir depuis rejoint la civilisation, mais une chose me manque : Manga no Yume.
Manga no Yume est la boutique tenue par Hugues, probablement le propriétaire le plus agréable que je connaisse, toujours ouvert à la discussion du moment qu’il n’a pas de client à servir ; une attitude qui évidemment a réussi à fidéliser une véritable clientèle, elle-aussi toujours prompte à discuter. En terme de choix : rien à dire, c’est irréprochable. En terme d’accueil, idem. Avec Hugues et mon collègue de Manga-News Joe Harper, nous y avons même aménagé un Centre Pokemon à la sortie des versions Blanche et Noire, un lieu idéal pour y effectuer des échanges.
Les discussions avec Hugues sont souvent passionnantes, et parfois surréalistes ; ainsi m’a-t-il un jour expliqué avoir du mal à attirer les clientes, lesquelles ne jugent pas qu’un homme puisse les conseiller en matière de shôjo (alors qu’il en lit) et de yaoi. Son concurrent possède un argument commercial déloyal : une fujoshi parmi ses employés…
Le seul soucis, c’est que la santé financière n’est pas forcément au beau-fixe ; il faut impérativement que le magasin tienne au moins jusqu’en 2013 pour diverses raisons, alors si vous habitez dans la région, soutenez cette boutique ! Elle le mérite !

L’autre boutique se nomme Little Tokyo. Lorsque je suis arrivé sur la région parisienne, devant le choix qui s’offrait à moi, j’ai demandé sur le forum de Mangaverse quelques conseils en matière de librairie, histoire d’en trouver une conforme à mes goûts ; le genre avec des vendeurs cultivés, qui disposent bien des manga type « vintage » qui ne se vendent pas forcément, et bien spécialisée dans le manga et non dans le cosplay ou le produit dérivé douteux. Little Tokyo n’a pas seulement répondu à toutes mes attentes : j’ai été carrément comblé.
Le magasin a été fondé par Cham, un authentique « vieux de la vieille » et figure emblématique du Cartoonist. Le mec qui te raconte sa visite chez Shingo Araki lors d’un passage au Japon, juste la classe quoi. La boutique elle-même est absolument minuscule – moins grande que ma chambre – et pourtant il y tient des quantités fabuleuses de manga, y compris des titres normalement introuvables (je ne pensais pas acheter Sailor V en neuf en 2011). Là encore, le patron offre la possibilité de discuter à condition de ne pas gêner le client, et avec un individu présent dans le milieu depuis aussi longtemps, forcément, cela devient très vite passionnant.

J’espère que mes boutiques fétiches tiendront le plus longtemps possible, mais dans un contexte où la moitié des librairies manga ont fermé depuis 10 ans malgré une explosion du marché, j’ai toujours un petit peu peur pour ces passionnés qui souhaitent vivre de leur passion.
La moralité, c’est tout de même qu’à choisir, je préfère aller dans une librairie spécialisée – fût-elle spécialisée dans la BD au sens large – que d’acheter dans des enseignes culturelles ou en ligne, sauf cas exceptionnel (par exemple si je ne trouve pas un titre précis en boutique) ; évidemment, je peux me le permettre aujourd’hui parce que je vis dans une grande agglomération, mais j’irais habiter dans la Creuse, les choses seraient différentes. Sans aller jusqu’à prétendre que j’ai besoin du contact avec le vendeur, ou même de ses conseils – sachant que je faisais confiance à Hugues et Cham, et rarement été déçu à ce sujet – cela s’inscrit dans un processus que j’apprécie. J’aime pouvoir toucher un livre avant de l’acquérir, j’aime l’ambiance de ces petites boutiques, j’aime pouvoir y croiser d’autres passionnés avec qui échanger des Pokemon, et autant que possible, j’aimerais pouvoir continuer à fonctionner de cette façon.

Cet article, publié dans Humeurs, est tagué , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

9 commentaires pour Plus de 10 ans passés dans les boutiques « anime & manga »

  1. Crio-S dit :

    Tu en as de la chance de pouvoir aller dans des boutiques spécialisées. J’aimerais bien pouvoir également discuter avec des passionnés quand j’achète mes mangas/animes comme je le fais quand je vais acheter mes JV.

    Seulement dans mes coins, il n’y a rien, c’est soit centre culturel Leclerc (vaste choix mais aucune interaction possible avec les vendeurs à part bonjour/au revoir) ou internet , impersonnel mais économique.

    J’aime

  2. Ping : Ethnographie d’un magasin spécialisé | Le Chapelier Fou

  3. neokenji dit :

    Wow City Games…. Et dire qu’il y en avait un dans le 13ème arrondissement de Paris il y a 10-15 ans de cela. Si je me rappelle bien les seuls produits officiels vendus dans cette boutique étaient les mangas de Dragon Ball en version japonaise. Pour le reste il n’y avait que du HK…

    J’aime

    • Gemini dit :

      A Lyon, nous n’avions pas un mais deux City Games, dont un situé en face du BD Café mais qui a fait faillite depuis des lustres. A la différence de l’autre, celui-ci n’était pas divisé entre deux boutiques – manga d’un côté et JV/goodies de l’autre – mais proposait un peu de tout, pêle-mêle, dans un joyeux bazar.

      Un point très important à noter : autant j’apprécie l’équipe de Momie Mangas, autant je recommande de se méfier comme la peste de leurs produits dérivés. Un jour, j’achète un produit estampillé Totoro ; arrivé chez moi, je regarde l’étiquette : celle-ci indique « Studio Ghibu »… Une contrefaçon ! J’y retourne pour rouspéter, ils me remboursent et m’expliquent qu’ils n’étaient pas au courant ; en les questionnant, j’apprends qu’ils réalisent leurs achats de produits dérivés en commun avec City Games….
      L’histoire aurait pu s’arrêter là, sauf qu’ils vendent toujours ces mêmes produits dérivés, et que là, ils ne peuvent plus prétendre ne pas être au courant.

      J’aime

  4. ZGMF Balmung dit :

    En tant qu’un habitué de « Manga no Yume », je ne peux que confirmer tout le bien que tu dis de cette boutique et de son boss. 🙂

    J’aime

  5. Nono dit :

    Coucou tout le monde, moi j’étais un peu du style à me déplacer juste pour prendre mes livres et repartir sans aucune conversation ou autre ( leclerc, fnac ), ce qui m’a fait changer de mileu c’est que dans ces grandes enseignes on est pas plongés dans l’univers manga c est juste un point de vente, et là … je découvre des bulles et des hommes une boutique venue du ciel ou de Saint Etienne c est comme on veut 😉
    , on y est on peut enfin être dans un boutique spécialisée de bds qui sait qu est ce qu elle vend et ça, ça fait toute la différence comparé aux grandes surfaces et de plus elle a un max de manga bien organisés, plein de goodies et des vendeurs au top et un coin café !

    J’aime

  6. Giz dit :

    je déterre complètement le truc, j’ai du mal à voir qui tu es mais t’as le bonjour d’un des « vieux de la vieille » du 42 😉
    je recherche des archives sur le magasin sonic/cyber space si des fois tu lis ce message et que t’as des dossiers qui trainent ça m’intéresse

    J’aime

  7. Gemini dit :

    Salut ^^ Pour te répondre : non, je n’ai aucune archive de ce genre, désolé :/

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.