Sabu & Ichi – Tome 1

– Bonjour.
– Bonjour.
– Ouah punaise, c’est quoi ce truc ??
– Quel truc ?
– L’énorme bouquin, dans les nouveautés.
– Ah, ça ? Le premier tome de Sabu & Ichi, de Shotaro Ishinomori.
– Qui ?
– Un vieil auteur, de l’époque de Tezuka.
– Ah ouais, c’est super moche en effet. Et ça se vend ?
– Non.
– Tu m’étonnes *rires* !

Voilà, en substance, la conversation de mon vendeur de manga face à un client qui découvre un pavé de 1000 et quelques pages signé Shotaro Ishinomori. Un pavé qui, selon ses dires, aura apporté plus de rires que de ventes. Ce qui n’a rien de bien compliqué : il a en a vendu très exactement… un. Inutile de préciser à qui, hein ? Le simple fait que j’écrive ce billet suffit à désigner le coupable.

En choisissant un tel format, Kana annonce clairement la couleur : aucun acheteur n’irait débourser 29€ pour un manga dont il n’a jamais entendu parler, donc la série ne vise vraiment que les connaisseurs, et l’éditeur n’essaye même pas d’attirer les autres lecteurs. Il en ira de même avec Kamui Den, dans cette même collection Sensei, lui-aussi rassemblé dans 4 volumes de 1000 pages.
En terme d’achat, le format ne me dérange pas. Bien au contraire, puisque le nombre finalement limité de tomes augmente très largement les chances d’arriver au bout de la série, avec cette fois une édition intégrale (par opposition à Astro Boy). Par contre, ça fait super mal aux mains !

Historiquement, Sabu & Ichi serait un des premiers manga arrivés en France, dans Le Cri qui Tue, à la fin des années 70. Mais il n’était jamais sorti en volume relié. Voilà qui est fait. A croire que, depuis quelques temps, Shotaro Ishinomori est à la mode. Cela me surprend, mais je ne m’en plaindrai pas.

C’est bien beau tout ça, mais :
1/ ça parle de quoi ?
2/ ça vaut quoi ?
Procédons par ordre et méthode.

Sabu est policier, au plus bas de l’échelle. Mais cela ne l’empêche pas de commencer à se faire un nom, grâce à ses talents d’enquêteur.
Ichi est un masseur aveugle. Mais il dissimule sous son apparence et son handicap une technique au sabre à nul autre pareil.
Ensemble, ils font régner l’ordre à Edo, en plein shogunat.
Le scénario se limite à ça. Pas de véritable histoire de fond une fois ce premier tome terminé, sinon – probablement – concernant la raison qui a poussé Sabu à rejoindre Edo. Chaque histoire peut être prise indépendamment, et il s’agit essentiellement d’enquêtes menées par nos deux compères, ponctuées d’affrontements au sabre.

Quant à savoir si ce manga vaut le coup : oui, absolument ! La première chose à expliquer c’est que, rien que sur ce premier volume (qui regroupe environ 4 tomes de l’édition japonaise), la série évolue énormément, avant de prendre sa forme définitive. Déjà, au niveau du dessin, nous passons d’un trait proche de ce que le mangaka proposait dans Cyborg 009 – proche de celui de Osamu Tezuka – à quelque chose d’infiniment plus détaillé, comme il nous le montrera plus tard dans Miyamoto Musashi ; nous retrouverons aussi un style similaire chez son plus célèbre disciple : Go Nagai. Ce changement progressif dans le dessin s’accompagne de changements dans le contenu, avec un ton plus adulte, une plus grande recherche dans la mise en page, de nombreux effets de style, et un manga qui, outre ses enquêtes et ses combats, se transforme presque en étude de l’âme humaine et de la société japonaise de l’époque ; à ce titre, ce manga se révèle ainsi une mine d’informations, même s’il ne faut pas voir là son but premier.

Avec un manga comme Sabu & Ichi, Shotaro Ishinomori justifie pleinement son surnom de « Maître du Manga ». Il s’agit d’une œuvre à la fois prenante, passionnante, et – sur sa seconde moitié – incroyablement riche en terme de recherche visuelle. Plus qu’un simple objet de divertissement, ce manga fait partie des œuvres capables de marquer leurs lecteurs, et il me tarde de savoir ce que la suite va nous réserver.
Le prix ne doit pas vous arrêter si vous songez à l’acquérir, car il ne faut pas oublier qu’il contient tout de même 1152 pages, ce qui vous promet de nombreuses heures de plaisir de lecture. Néanmoins, une petite sélection à Angoulême serait une bonne chose pour attirer de nouveaux lecteurs.

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7 commentaires pour Sabu & Ichi – Tome 1

  1. Mackie dit :

    Je suppose que c’était dit avec humour, sinon je doute qu’à tenir un tel discours, ton libraire soit un bon prescripteur… « Non, z’avez raison, faut pas l’acheter il est trop gros, trop cher, en plus c’est trop vieux et dessiné bizarrement, pis vous-z-êtes jeune, c’est pas ça qu’il vous faut, tenez, prenez plutôt ce Naruto. Le gros truc là c’est juste pour faire intello sur la vitrine, je le garde juste trois semaines ensuite c’est retour éditeur et pilon. »

    J’habite une petite ville de province. Avec pas beaucoup de librairies. Dont une très bonne. Rayon manga équilibré entre les trucs de djeun’s et les trucs de vieux. Mon libraire a le Sabu & Itchi. Il en a même deux ou trois, et il les vendra parce qu’il y croit et qu’il en fait la promo… Il compte bien que je sois bien dans la cible (pas impossible). Quand je passe le voir, il est souvent occupé avec des gens de tous âges, à leur vanter les nouveautés du rayon BD&manga dont il est responsable. Et souvent, je vois des gens lui demander s’il a tel truc de Tezuka, de Hirata ou de Kamimura ou s’il peut le commander…

    Au fait, j’aime bien ton article quand même. D’Ishinomori, je te recommande son « Hokusai », c’est aussi un gros pavé (mais moins gros quand même ^^)

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    • Gemini dit :

      Ne t’inquiète pas, j’ai lu tous les Ishinomori sortis récemment (par opposition à ceux publiés dans les années 70) en France 😉 Et en terme de qualité, Sabu & Ichi surpasse largement Hokusai. En terme de mal de main aussi…

      Pour le dialogue, j’ai un peu brodé. Mais il m’a effectivement dit que ce manga avait suscité plus de rires qu’autre chose, et sur les deux tomes qu’il avait commandé, il n’en a vendu qu’un seul : le mien.
      A priori, il ne le conseille pas encore uniquement car il ne l’a pas encore lu. Il trouve d’ailleurs dommage que les libraires reçoivent les séries seulement à leur sortie (à la différences des SP), car cela l’empêche de consulter les nouveautés et de conseiller ses clients comme il le devrait. Sûr qu’un manga de 1152 pages, cela ne se lit pas en un jour ^^’

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  2. Mackie dit :

    « Sûr qu’un manga de 1152 pages, cela ne se lit pas en un jour ^^’ »
    ça dépend. les jours de rtt, comme aujourd’hui, je suis dé-bor-dé !

    1152 pages, ah quand même… [mode radin on]mais du coup ça revient moins cher que si ça sortait en mangas « normaux », de 150/200 pages chacun, à 8€ pièce… c’est une bonne affaire en fait…[/mode radin off]

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  3. Rukawa dit :

    est-ce que çà vaut le coût par contre ?
    car 30 € pour 1000 page, je peux en avoir pour 2 fois moins cher et autant de page de Naruto !
    un Kami no shizuku vaut clairement ses 10 € mais 6 € pour K-on c’est de l’arnaque.

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  4. Gemini dit :

    Kana a soigné son édition (même si j’aurais eu envie de frapper l’auteur de la page « désolé pour les propos pas politiquement corrects tenus par l’auteur mais il est mort donc on ne peut pas lui demander de modifier son manga »), et l’œuvre elle-même vaut le coup. Donc oui : cela mérite les 29€.

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  5. Natth dit :

    Kana a soigné cet ouvrage, mais les choses sont un peu plus aléatoires pour les colis.
    Mon libraire en avait commandé trois… Il les aurait sans doute vendus, si la jaquette de l’un n’avait pas été déchirée à la base. Pour ma part, j’ai eu droit à une petite incrustation de plastique, mais je ne suis pas très tatillonne sur l’état des couvertures de mes mangas.

    Sinon, cet exemplaire a déjà deux lectrices : moi… et ma maman. Je me demande si elle n’est pas encore plus fan que moi 😛

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  6. Jevanni dit :

    « En choisissant un tel format, Kana annonce clairement la couleur : aucun acheteur n’irait débourser 29€ pour un manga dont il n’a jamais entendu parler, donc la série ne vise vraiment que les connaisseurs,  »
    Juste non. Je conçois pour la majorité des personnes mais sinon il m’arrive parfaitement à attaquer ce genre de pavé sans en connaître vraiment l’auteur, si le début m’a plu. Et je suis sûr qu’il en va de même pour d’autres.

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