A Cœur Ouvert avec les Clamp

Clamp (m) : Variété de pince à mors très longs et munie d’un cran d’arrêt, qui sert à pincer les vaisseaux pour empêcher l’hémorragie.

Vous vous attendiez à quoi ?

Ce qui est bien avec les blogs, c’est qu’ils peuvent permettre d’extérioriser, de parler de choses et d’autres même si elles n’ont pas de rapport avec le sujet initial. Bon, un concours de circonstances a fait que, finalement, ce billet aura un léger lien avec les manga. Ce n’était pas prévu.

Cet été, je bosse dans un hôpital pour me faire un peu d’argent. L’autre jour, j’apprends qu’il est possible d’assister à des interventions chirurgicales, il suffit de demander à l’avance. Par curiosité, et par envie de vivre de nouvelles expériences, je fais la demande en fin de semaine dernière pour une chirurgie cardio-vasculaire.
Le plus étrange dans ma démarche, c’est que j’ai toujours eu un peu de mal avec tout ce qui est dissection, sang qui gicle, et tout. C’est pour cela que je n’ai pas fait médecine. Je voulais assister à cette opération justement pour savoir si j’en étais capable.

Ce matin, un peu plus tôt qu’à l’accoutumée, j’arrive à l’hôpital et je me rends aux blocs. Je me change, je me nettoie les mains et les avant-bras – j’ai l’habitude, je viens souvent dans ce secteur pour mon travail habituel – puis je me rend en salle de chirurgie cardio-vasculaire, où le patient – encore conscient – attend. Sur place, je trouve d’abord deux infirmières qui préparent le patient en lui passant de la bétadine, un antiseptique iodé. Puis l’anesthésiste arrive, accompagné d’une infirmière anesthésiste, pour – vous vous en doutez – anesthésier le patient. Et il en aura bien besoin. Le processus nécessite plusieurs étapes, et ils resteront sur place pendant l’opération pour veiller au bon déroulement de l’anesthésie.
Une fois le patient endormi, les infirmières enlèvent ses draps et le découvrent entièrement pour finir de le préparer. Il faut notamment introduire une sonde dans le pénis de l’individu, afin qu’il puisse uriner pendant l’opération ; cette fonction échoit à une étudiante en médecine venue en observatrice, qui se fait un peu bizuter pour l’occasion puisqu’elle ne semble pas avoir l’habitude de manipuler les organes génitaux des hommes de 80 ans… Ce qui fait bien rire l’interne en médecine responsable de la blague.

Pendant que la préparation se poursuit, j’en profite pour discuter avec les deux autres « touristes » venus observer l’opération : l’étudiante susnommée, et un sympathique Japonais nommé Aota. Celui-ci est à l’hôpital pour 3 semaines, uniquement pour assister à des opérations chirurgicales, dans le cadre de ses études et d’un programme d’échange. La communication est difficile puisqu’il parle anglais comme un Japonais, mais nous arrivons tout de même à engager des discussions de fond sur notre métier ; en gros, nous parlons de Black Jack et de God Hand Teru. D’où le rapport entre ce billet et les manga.

Une fois tous les préparatifs effectués, le chirurgien débarque pour réaliser un pontage coronaire. Pour faire simple, il va travailler sur les artères qui irriguent le cœur.
C’est là que ça devient vraiment gore. Pour accéder au cœur, il y a plusieurs couches à pénétrer. Tout d’abord, il faut couper la peau et la chaire jusqu’au sternum ; pour se faire, le chirurgien utilise un bistouri chauffant, qui permet de trancher et de cautériser simultanément, parfumant la pièce d’une bonne odeur de viande grillée. Ensuite, il faut scier le sternum en deux, à l’aide d’une scie électrique ; l’opération projète dans le bloc une fine poudre d’os de vieux papy. Et ce n’est pas encore fini, il reste des chaires à découper pour arriver jusqu’au cœur et surtout en dégager l’accès ; le chirurgien écarte la cage thoracique afin de travailler tranquillement, puis continue d’élaguer les chaires avec son bistouri chauffant.
Pendant ce temps, l’interne ouvre la jambe du patient, où sera prélevé un bout d’artère pour remplacer le coronaire abimé.

A partir de là, je me suis placé derrière la tête du patient, au niveau des appareils d’anesthésie, pour avoir une meilleure vue ; Aota m’a rejoint peu après.
Jusque-là, j’étais assez content, puisque mon estomac ne faisait pas des siennes malgré les odeurs, les bruits, et bien entendu la vue sur le cœur encore palpitant du malade. Et j’ai pu observer le chirurgien le triturer dans tous les sens, avant qu’il ne décide de lancer la circulation extra-corporelle et d’arrêter le cœur. D’ailleurs, je crois que voir est un cœur à l’arrêt est encore plus impressionnant que de le voir en mouvement.
Cela fait, le chirurgien commence son travail de découpe et de suture, avec une grande dextérité. Cela ressemble même plus à de la couture qu’à autre chose. Parfois, nous avons quelques amusantes giclées de sang, histoire de pimenter l’opération, mais celle-ci se déroule dans l’ensemble sans heurts.

Tout n’est pas terminé pour autant, il reste encore à refermer le patient, et à lui remettre le cœur en route. Si ce dernier point ne pose pas de problème, le premier refait basculer l’intervention dans le gore. En effet, il faut tout d’abord remettre le sternum d’aplomb ; je vous rappelle qu’il avait été sectionné dans sa longueur précédemment. Et pour le refermer, le chirurgien le recoud au fil de fer, faisant résonner un « clung » à chaque fois que son aiguille traverse le sternum. C’est peut-être le passage le plus impressionnant de l’opération. Ensuite, il ne lui reste plus qu’à recoudre et agrafer la peau de la jambe et du torse.
Le patient, après un ultime lavage à la bétadine et l’enlevage de toutes ses sondes et de ses capteurs, peut enfin rejoindre la salle de réveil.

J’ai passé une excellente matinée au bloc, où je serais resté pas loin de 4 heures. L’équipe était très sympathique, y compris le chirurgien qui m’a à plusieurs reprises expliqué ce qu’il faisait. Tout ce qu’il manquait à cette opération, c’est une musique d’ambiance bien prenante, histoire de donner du rythme.
Je vais reprendre cette magnifique phrase tiré de Kid Paddle, qui illustre fort bien les bases de la chirurgie : « on ouvre, on rigole, on referme ». Cela me donnerait bien envie de changer de métier.
Et après tout ça, je suis allé manger un bon steak saignant. Ces odeurs de barbecue m’avaient mis en appétit.

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6 commentaires pour A Cœur Ouvert avec les Clamp

  1. Aarghf! Dommage que l’étudiant-medecin japonais s’appelait pas Tenma … sinon ça aurait été l’Über-classe 😀

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  2. Jack dit :

    Autant les décapitations et autres arrachages de membres ne me font ni chaud ni froid dans certains type de films, autant la vue du sang quand il s’agit de chirurgie me répugne.

    Voir un scalpel qui ouvre quelqu’un lentement, ainsi que le chirurgien qui trifouille le corps du patient j’ai du mal à supporter xD. Alors bon j’envie un peu les médecins qui font ça tranquillou sans trembler :p Et toi comment tu fais pour manger un gros steak saignant juste après ça ? xD

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  3. Amana dit :

    Excellent! Tu en as de la chance!
    J’ai dévoré ton récit, sérieux.
    (*__*)v

    Le suivi d’une opération chirurgical doit vraiment être passionant. Je t’envie énormément!

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  4. le gritche dit :

    J’aime beaucoup les chapitres de Black Jack où Tezuka décrit une opération. Mais je trouve que ni son manga ni « say hello to black jack » ne donnent envie d’être médecin ou chirurgien. Peut-être parce qu’on les admire trop.

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  5. gemini dit :

    Jack >> Finalement, ce n’est pas si horrible que ça.

    Amana >> C’est plus une opportunité. Et merci 🙂

    Le Gritche >> « Say Hello » peut-être, mais Black Jack donne vraiment envie, et le relire me redonnait de la motivation lors de ma première année.

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  6. test du chi2 dit :

    Sinon comme manga dans le domaine médical, il y a aussi Team medical dragon.
    Mais on a souvent l’impression que les techniques de chir sont des techniques dignes de dbz (avec du GARness de partout)…

    Assister a cette opération devait être sacrément cool.
    Est-ce que ca déborde de GARness, over 9000 ?!

    Et vu que tu semble avoir apprécié la chirurgie, t’as pas eu l’envie de faire des études de médecine ?

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